Opération Albany

Les opérations aéroportées américaines en Normandie

Galeries de photos des opérations aéroportées en Normandie

Organisation de l’opération Albany

L’opération Albany est la mission de transport des troupes de la 101e division aéroportée commandée par le général Taylor. Son but est de permettre aux parachutistes américains de s’emparer dans la nuit du 5 au 6 juin 1944 de plusieurs points clés visant à assurer le succès des opérations amphibies sur Utah Beach du Jour J. A cet effet, trois objectifs majeurs sont définis par les Alliés : s’emparer des axes reliant la plage à l’intérieur des terres, s’emparer des points clés du terrain, tenir les noeuds routiers et les localités du secteur et enfin contrôler les ponts sur le Merderet et sur la Douve. Ces actions sont réalisées de concert avec la 82e division aéroportée du général Ridgway, également parachutée en Normandie.

Cette opération s’inscrit dans un ensemble de missions aéroportées et aérotransportées successives pour la 101st Airborne en Normandie : dans l’ordre chronologique le Jour J, cet assaut débute par Albany (00h20 le 6 juin 1944), continue avec l’opération Chicago (04h00) et se termine avec l’opération Keokuk (21h00).

Les vecteurs de la mission Albany sont 432 avions C-47 Dakota appartenant aux 50th et 53rd Troop Carrier Wings (TCW). Ces appareils sont chargés de transporter les éclaireurs (« Pathfinders » en anglais) et le gros de la division, soit 6 928 parachutistes. Chacun des régiments d’infanterie parachutiste (« Parachute Infantry Regiment » en anglais, PIR) est embarqué à bord de trois à quatre formations (appelées « serials » en anglais) d’appareils. Ces formations ou serials sont composés en fonction des cas de 36, 45 ou 54 C-47) et sont espacées entre-elles de six minutes sur la zone de saut. A bord des Dakota, les parachutistes forment un « stick » fort de 15 à 18 hommes en fonction des équipements transportés.

Image : Organisation de l'opération Albany

Les paras du colonel Robert L. Wolverton du 506th PIR se préparent (US National Archives)

La 101e Airborne doit se poser dans le Cotentin à l’est de la RN 13 sur trois zones de saut (en anglais « drop zones« , DZ) : la DZ « A » au nord de Turqueville et d’Audouville-la-Hubert pour le 502e régiment parachutiste afin de s’emparer des chaussées 3 et 4, la DZ « C » pour les 1er et 2e bataillons du 506e régiment parachutiste ainsi que le 3e bataillon du 501e régiment parachutiste au nord d’Hiesville afin de s’emparer des chaussées 1 et 2, et enfin la DZ « D » au sud de Vierville pour les 1er et 2e bataillons du 501e régiment parachutiste et le 3e bataillon du 506e régiment parachutiste, chargés de s’emparer de Saint-Côme-du-Mont ainsi que des ponts sur la Douve. L’ensemble des DZ représente une étendue de 39 kilomètres carrés.

Les DZ doivent être préparées par les Pathfinders qui sont chargés de les baliser afin de guider les avions durant leur phase d’approche. Ils sont équipés de balises « Eureka » qui envoient des impulsions captées par les émetteurs-recepteurs « Rebecca » installés sous le fuselage des C-47. Les équipes de Pathfinders se composent chacune d’un lieutenant chef d’élément, de quatre opérateurs transmission et de quatre parachutistes chargés de la sécurité de l’équipe lors des opérations. Elles sont larguées en territoire ennemi sans balisage initial, simplement en fonction de l’observation du terrain et des calculs de navigation à bord des Dakota.

Image : Organisation de l'opération Albany

Préparations avant l’embarquement dans un C-47 piloté par le Cpt Matt Luoma (US National Archives)

Les C-47 sont prévus de décoller en début de soirée le lundi 5 juin 1944 depuis les différents aérodromes. La 50th TCW est répartie de la manière suivante : le 439th Transport Carrier Group (TCG) est situé à Uppotery, le 440th TCG à Exeter, le 441st TCG à Merryfield et le 442nd à Fulbeck. Pour la 53rd TCW : le 434th TCG est à Aldermaston, le 435th TCG à Weldon Park, le 436th TCG à Membury, le 437th TCG à Ramsbury et le 438th TCG à Greenham Commun.

Image : Organisation de l'opération Albany

Ces parachutistes adoptent les peintures de guerre et la coupe des Iroquois (US National Archives)

Les Américains de la 101e division aéroportée sont opposés au Grenadier Regiment 1058 et à l’Artillerie-Regiment 191 de la 91. Luftlande Infanterie-Division (commandée par le général Wilhelm Falley), ainsi qu’au Grenadier-Regiment 919 de la 709. Infanterie-Division.

Le largage des Pathfinders de la 101e Airborne

Le premières séries de largage transportant les Pathfinders décollent d’Angleterre à 22h30 le 5 juin 1944. Les Dakota volent à basse altitude (150 mètres) afin d’éviter d’être repérés par les échos radar allemands. L’axe d’approche des avions se fait selon un axe sud-ouest – nord-est et les escadrilles réalisent un vaste contournement des îles anglo-normandes afin d’emprunter la bonne trajectoire. Une fois au-dessus du Cotentin, les pilotes des C-47 font face à une importante masse nuageuse et un épais brouillard au sol qui masquent le paysage normand et rendent difficile le travail d’orientation. A cela il faut ajouter les tirs de la Flak, l’artillerie anti-aérienne allemande.

Image : Organisation de l'opération Albany

Stick 1 : Pathfinders du 502nd Parachute Infantry Regiment (US National Archives)

Les Pathfinders rencontrent d’importantes difficultés lors de leur mise en place, ce qui occasionne de sérieuses complications pour la suite des parachutages. Les premiers d’entre eux touchent le sol de Normandie à 00h16 le mardi 6 juin 1944 : les parachutistes du 502nd PIR et commandés par le capitain Frank Lillyman atterrissent à près de deux kilomètres au nord de la DZ « A ». Depuis leur position, ils installent le balisage Eureka et attendent l’arrivée de leur unité. Pour la DZ « C », le résultat du largage des trois équipes est très inégal : l’une d’elles est parachutée quasiment à l’emplacement prévu, une autre atterri au sud-ouest  de son objectif à proximité de la localité de Hiesville tandis que la dernière est larguée au-dessus de la mer. Sur la DZ « D », la situation est critique : les équipes de Pathfinders sont larguées au bon endroit mais les Allemands sont sur zone et engagent immédiatement le combat. Ils ne sont pas en mesure d’installer le balisage pour les parachutages à venir.

Image : Organisation de l'opération Albany

Stick 4 : Pathfinders du 506th Parachute Infantry Regiment (US National Archives)

Largage sur la drop zone « A »

Les parachutages sur la DZ « A » après l’arrivée des Pathfinders débutent à 00h48. Les balises sont en place mais deux kilomètres plus au nord : les 2 510 paras du 502nd PIR et du 377th Parachute Field Artillery Battalion (PFAB) atterrissent trop au nord de la DZ. Seuls trois sticks sont largués sur objectif, dont celui du commandant du second bataillon du 502nd PIR, le lieutenant-colonel Steve. A. Chappuis, qui malgré une blessure à la jambe prend position sur la batterie de Saint-Martin-de-Varreville.

Les 1er et 3e bataillons du 502nd PIR sont livrés à eux-mêmes et les deux commandants de bataillon s’évertuent à rassembler un maximum de parachutistes isolés pour mener à bien quoi qu’il arrive leur mission. Le lieutenant-colonel Cassidy commandant le 1/502 s’empare de Saint-Martin-de-Varreville et installe une ligne de défense entre Beuzeville et Foucarville aux ordres du S/Sgt Harrison C. Summers. Le lieutenant-colonel Cole du 3/502 se déplace jusqu’à Sainte-Mère-Eglise puis Saint-Martin-de-Varreville et jusqu’à la chaussée numéro 3 qui est atteinte à 7 heures 30.

Image : Organisation de l'opération Albany

Stick 20 : Pathfinders du 377th Parachute Field Artillery Batallion (US National Archives)

Le 377th PFAB rencontre les plus mauvais résultats de largage avec un seul obusier de disponible et 52 des 54 sticks largués à au-delà de 5 kilomètres (et jusqu’à 32 kilomètres) de la DZ « A ».

Largage sur la drop zone « C »

Les séries destinées à la DZ « C » font face à un important barrage d’artillerie anti-aérien durant leur passage au-dessus du Cotentin. Ces tirs, peu précis mais très nombreux, désorientent les pilotes et entraînent un sentiment de panique au sein des formations tenues par ces 81 C-47. Trois d’entre eux sont abattus avant le début du largage. Le parachutage du 1er bataillon du 506th PIR se déroule dans des conditions correctes : les deux tiers du bataillon sont largués directement sur la DZ ou à moins d’un kilomètre de distance.

Image : Organisation de l'opération Albany

Parachutistes de la compagnie Fox, 506th PIR à bord d’un C-47 (US National Archives)

Image : Plan de l'opération Albany

Plan de l’opération Albany

Le 2e bataillon du 506th PIR est parachuté trop à l’ouest de Sainte-Mère-Eglise et doit se rassembler près de Foucarville avant de reprendre la progression en direction de la chaussée numéro 4, à hauteur de Houdienville. Durant la matinée, une patrouille de la Easy compagny (2/506) menée par le lieutenant Richard D. Winters détruit quatre obusiers de 105 mm appartenant au 3e bataillon de l’Artillerie-Regiment 191 situés à proximité du manoir de Brécourt. La chaussée numéro 4 est atteinte en milieu d’après-midi (cette chaussée est déjà sous contrôle de la 4e division d’infanterie américaine à leur arrivée).

Image : Organisation de l'opération Albany

Parachutistes de la HQ du 501st PIR à bord de leur C47 (US National Archives)

Le colonel Robert Sink, chef de corps du 506th PIR, installe son poste de commandement dans la localité d’Hiesville près de Sainte-Marie-du-Mont. C’est également dans ce village, au manoir de Colombières, que le général Taylor fait installer le sien.

Le 3e bataillon du 501st PIR est lui-aussi éparpillé au-dessus du Cotentin, loin de sa zone de saut. C’est le général Taylor en personne qui, avec une force de parachutistes équivalant à une compagnie menée par le commandant de bataillon du 3/501, le lieutenant-colonel Julian J. Ewell, atteint la chaussée numéro 1 à la hauteur de Pouppeville à 6 heures puis engage un violent et long combat contre les fantassins du Grenadier Regiment 1058. Aux alentours de midi, la sortie est sous contrôle américain.

Plus tard en fin de matinée, des éléments de la compagnie de commandement du 506th PIR (sous les ordres du capitaine Lloyd E. Patch) et de la Charly company (commandée par le capitaine Knut H. Raudstein appartenant au 1/506) s’emparent d’une batterie de quatre obusiers de 105 mm située au lieu-dit du Holdy, au sud de Sainte-Marie-du-Mont. Le colonel Sink fait envoyer trois Jeep pour récupérer les pièces de la batterie du Holdy mais une section du 502nd PIR chargée de sécuriser le site détruit trois obusiers avant l’arrivée des véhicules américains.

Largage sur la drop zone « D »

Image : Organisation de l'opération Albany

Le stick de paras attend le feu vert pour sauter sur la Normandie (US National Archives)

A l’instar des séries de largage destinées à la DZ « C », les appareils se dirigeant vers la DZ « D » sont pris sous un intense feu anti-aérien pendant leur traversée du Cotentin, causant la destruction de six C-47. Malgré tout, les deux tiers des parachutistes de ce secteur (94 sticks sur un total de 132) sont largués au bon endroit ou à proximité immédiate de la DZ.

Les paras se rassemblent tant bien que mal et se dirigent vers leurs objectifs : les ponts sur la Douve et Saint-Côme-du-Mont. Le colonel Johnson, commandant le 501st PIR, s’empare avec 150 soldats de l’écluse de la Barquette vers 4 heures du matin. Plus à l’ouest, le lieutenant-colonel Robert A. Ballard commandant le 2e bataillon du 501st PIR progresse avec environ 250 soldats en direction des Droueries près de Saint-Côme-du-Mont. Au sud de sa position, le commandant Richard J. Allen et 50 hommes montent à l’assaut des positions défensives adverses. Mais les Allemands du 3e bataillon du Grenadier Regiment 1058 se défendent avec acharnement et retardent l’avancée américaine. Les paras sont fixés à l’est de la RN 13 et ne parviennent pas à percer les lignes allemandes.

Johnson fait ensuite effort sur l’ouest en direction de Saint-Côme-du-Mont avec une centaine de parachutistes mais malgré tous leurs efforts et l’appui des canons de l’USS Quincy au large d’Utah Beach, les Allemands tiennent bon et le lieutenant-colonel Ballard reste isolé face aux Droueries. Le chef du 1er bataillon du 501st PIR, le colonel Robert C. Caroll, est tué pendant les combats du Jour J.

Image : Organisation de l'opération Albany

Des paras de la Fox Company, 506th PIR (tenant le bazooka : Robert Noody) (US National Archives)

Au sud-est de la DZ « D », le 3e bataillon du 506th PIR a pris position à compter de 4 heures 30 autour des ponts en bois sur la Douves au lieu-dit des Moulins, à l’ouest de Brévands et du Port. Rassemblant dans les premières heures l’équivalent en effectifs d’une section, le bataillon est progressivement renforcé au lever du jour et pendant toute la journée du 6 juin par les parachutistes isolés de la 101ème.

Bilan de l’opération Albany

Les difficultés rencontrées par les Pathfinders lors de leur mise en place, les mauvaises conditions météorologiques et l’intensité des tirs de la Flak allemande gênent considérablement le parachutage de la 101e division aéroportée sur le Cotentin. L’essentiel de ses forces est éparpillé sur toute le territoire et certains sticks sont largués à plus de 40 kilomètres de leur objectif : c’est notamment le cas pour l’un d’entre eux qui est parachuté à proximité de la Pointe du Hoc.

Les pertes humaines sont particulièrement élevées et il en est de même pour les pertes matérielles, notamment dans le domaine des transmissions. Beaucoup d’équipements sont endommagés ou perdus lors de l’opération aéroportée.

Les parachutistes, regroupés au hasard des largages, accomplissent avec une énergie redoutable leurs différentes missions. Les Allemands, désorganisés par les parachutages aléatoires américains, sont incapables de tracer le contour exact des positions adverses ainsi que leurs objectifs à l’instar de la 21. Panzerdivision face à la 6e division aéroportée britannique. Ne maîtrisant pas ces informations, ils ne sont pas en mesure de contre-attaquer de manière coordonnée et efficace. Le manque d’officiers généraux le Jour J dans le Cotentin pèse lourdement dans la balance, d’autant plus que le général Falley commandant la 91. Luftlande Infanterie-Division trouve la mort peu de temps avant le lever du soleil lors d’un accrochage avec des paras du 508th PIR de la 82e division aéroportée.

Image : Organisation de l'opération Albany

Des soldats du 502nd PIR et du 506th PIR à la ferme Marmion de Ravenoville (US National Archives)

L’essentiel des missions confiées à la division du général Taylor sont remplies même si, dans le détail, certains objectifs restent hors de portée des paras. Lorsque la 4e division d’infanterie débute son débarquement sur Utah Beach, trois des quatre chaussées sont sous contrôle des parachutistes de la 101e division aéroportée, la totalité de la 4e chaussée ne tombant aux mains des Américains qu’en début d’après-midi. Les parachutistes se sont emparés des ponts sur la Douve et de l’écluse de la Barquette, mais demeurent dans l’incapacité au soir du 6 juin 1944 de contrôler Saint-Côme-du-Mont.

Le flanc sud-ouest et le contrôle des ponts sur la Douve deviennent les priorités absolues du général Taylor dans les heures qui suivent. Afin de renforcer ses hommes en effectifs et en matériels supplémentaires, la 101e division aéroportée lance le deuxième volet de son assaut sur le Cotentin avec l’opération Chicago à compter de 4 heures du matin le 6 juin 1944. Ce renforcement est effectué avec l’atterrissage de 52 planeurs Waco sur la Landing Zone « E » située à l’ouest de Hiesville.

L’opération Chicago est elle-même suivie le Jour J à 21 heures d’un nouvel assaut aérotransporté par planeurs : l’opération Keokuk.

 

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