Témoignage de Hans Gockel
Hans Gockel est un jeune soldat allemand de tout juste 18 ans qui est en poste dans un point d’appui surplombant la Côte d’Or, près du village de Colleville-sur-Mer. Il passe de longues journées à travailler pour l’installation de ce point fortifié baptisé « Wn 62 ».
Aux premières heures du 6 juin 1944, il découvre la flotte américaine se dirigeant vers la plage codée « Omaha Beach« , tout le long de la Côte d’Or. Il se retrouve au coeur du débarquement de la 1st U.S. Infantry Division. Toute la matinée et une partie de l’après-midi du Jour-J, il défend sa vie avec sa mitrailleuse et son fusil semi-automatique avant d’être blessé à la main à 15 heures par un tir américain. Evacué à 120 kilomètres de la ligne de front, il écrit le 10 juin 1944 une lettre à sa famille pour la rassurer et la tenir informée de la situation.
10 juin 1944
Chers parents, chers frères et soeur,
Votre fils, votre frère vous exprime toute son affection ! Je vous salue. Je vais bien si l’on oublie ma blessure. J’espère que vous allez bien également.
Mardi 6 juin, il y a eu une attaque sans précédent, une attaque inimaginable, du jamais vu, même en Russie…
A 1 heure 30, on a sonné l’alarme : nous avons été bombardés par les Américains sur notre droite et sur notre gauche. Nous attendions, vigilants, angoissés, nos armes avec nous. A l’aube, vers 4 heures, nous avons pu deviner la silhouette des premiers gros navires ennemis. A peine étaient-ils observés que des éclairs jaillissaient déjà de leurs canons à une cadence infernale. Bientôt, les premiers obus s’abattirent sur nous dans un vacarme de tous les diables. Les bombes larguées par les avions ennemis n’arrêtaient pas de siffler. Il n’y eut bientôt plus un mètre carré de sol qui ne soit touché par les bombes ou les obus.
En moins de cinq minutes, la maison où nous logions était en flammes. J’étais avec ma mitrailleuse dans un abri à quarante mètres de là. Ce dernier a d’abord tenu le coup puis il a rapidement été détruit lorsque les premières péniches de débarquement ont accosté les plages. J’ai pu m’en extraire tout seul. Un gros éclat d’obus est passé à seulement quelques centimètres de ma tête…
Les bâtiments de guerre se sont remis à tirer. Les obus hurlaient à nouveau. Un barrage d’artillerie s’est alors déchaîné sur les obstacles de la plage. Quelques troncs d’arbres furent déchiquetés. D’autres brûlaient. Lentement, mètre après mètre, ce feu roulant s’avançait. Un rouleau monstrueux de brouillard et de fumée tournoyait avec des craquements assourdissants, abattant tout et s’avançant vers nous. Le rouleau de feu prenait son temps. Il savait que nous ne pouvions lui échapper.