Témoignage de Maurice Chauvet (2)
Caporal, 1er Bataillon Fusilier Marin, N°4 Commando
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« Au pas de course, à la sortie du parc du château, une troupe en progression sur la route gagne ses emplacements de départ. Tout le long de la route, du tir d’arme venant du bord de la mer nous poursuivait sans ralentir notre allure. Des tanks « Centaures » nous accompagnaient dans la même partie de la progression. Je ne peux expliquer une action si rapide, il m’en est resté des impressions fragmentées : les maisons ouvertes avec leur mobilier, telles qu’on en voit partout depuis quatre ans : les quatre premiers français, auxquels je crie bonjour en leur jetant des cigarettes, en passant : ils étaient dans leur abri devant leur maison démolie. Puis me voilà à la station, le drapeau français à la porte du café, un groupe de civils autour. Les troupes anglaises me dépassent, partant attaquer le port. Le Q.G. français s’établit, à la station, les troupes ont quitté la route pour aller attaquer la plage.
Après notre attaque, des hommes de notre commando sont arrêtés et se couchent en utilisant le terrain. Dans le fond, entre les villas du bord de mer que les Allemands avaient transformées en fortin, un tank s’avance pour vaincre une résistance imprévue. La demi-heure qui suit a été marquée de combats violents, qui se sont déroulés autour de chaque nid de résistance et dans une confusion extrême. Pour ma part, j’ai assuré la liaison pour le commandant, en passant d’une troupe à l’autre : j’enregistrais les succès en constatant qu’on me tirait beaucoup moins dessus à mesure que les troupes avançaient et réduisaient les points forts. Pour nous la première partie du combat est terminée. Les commandos ont enlevé Ouistreham. Déjà des troupes débarquées après nous arrivent pour organiser la défense.
En allant prendre nos sacs, nous rencontrons les troupes anglaises débarquant avec leur matériel, quatre ans jour pour jour après Dunkerque. Les plages étaient encore à ce moment-là balayées par le feu de l’ennemi, certains soldats s’abritent derrière les chars. Ces deux photographies (7 et 8) sont probablement les dernières prises par le premier des cinéastes qui nous accompagnaient.
Ayant repris notre barda nous repartons vers l’intérieur des terres pour exécuter la deuxième partie du programme : la prise de deux villages.
Pendant que nous reprenons nos sacs, les blessés sont ramenés aux plages. Quatre heures après ils sont en Angleterre. Ici, on voit un brancard, sur la route, à la hauteur du château. Deux des porteurs son français.
En repassant à la station, deux Anglais sont félicités par un Français sorti de son abri, où le bombardement préparatoire de la nuit l’avait obligé à se réfugier en pyjamas. Tous les habitants fument déjà des cigarettes anglaises. Et depuis que nous avons affirmé que nous venions pour rester, et non pour un simple raid, toutes les figures se sont détendues.
Il est 9H30 environ… Au premier plan, une troupe de Commandos sort des barques, où elle a repris ses sacs. Au loin, en ligne, on aperçoit les troupes françaises qui suivent la route, s’enfonçant à l’intérieur des terres. Les snipers allemands sont installés dans les haies et dans les arbres et gênent le plus possible l’avance. Chaque tournant de route des douze kilomètres pour gagner notre emplacement de résistance a coûté un mort ou un blessé, près duquel on trouve le sniper abattu par ceux qui suivaient.
Les longues colonnes de prisonniers, gagnant les barges qui nous ont amenés, et qui les ramèneront dans les camps de prisonniers en Angleterre, spectacle particulièrement apprécié de tous ceux, assez nombreux, d’entre nous qui ont gagné le commando, après une ou plusieurs évasions, des stalags où ils avaient été placés en 1940. »
Maurice Chauvet
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