On discernait les tirs allemands venant des premières maisons de Carentan, juste au bas de la route, dans l'axe de notre position. Nous savions que le potager n'offrait aucun abri, que des trous d'obus. Nous choisîmes donc une autre voie.
On a bondi et on a traversé la nationale vers le côté Est. Nous avons foncé vers une petite maison à deux étages pour nous y abriter. On y est arrivé. Une fois derrière la maison, on a vu des soldats américains se précipiter vers le pont N°4. ils ne couraient pas en désordre mais semblaient suivre quelqu'un en bon ordre. De temps en temps, un des hommes s'arrêtaient de courir pour tirer sur les allemands. Folley et moi atteignîmes un caniveau plein d'eau qui passait sous la route principale vers le carré de choux. Nous vîmes que les gars de A company avaient pris position le long de ce carré de choux, et nous décidâmes de les y rejoindre et de rester avec des hommes à nous.Nous entrâmes dans l'eau et rampâmes sous la nationale dans le caniveau et jusqu'au fossé opposé, espérant y trouver quelques troopers de C Company. Arrivé au fossé, on s'est joint à une ligne de tirailleurs, et on est resté avec eux le restant de la journée. On n'a revu aucun des troopers du second platoon.
On a eu vent d'une trêve dans les combats, mais elle était déjà finie. Elle n'avait duré qu'une heure, vers les 13 heures 30. Elle avait été demandée par les deux camps pour ramasser les blessés les plus graves éparpillés sur le champs de bataille. On avait vu le Major Davidson, le chirurgien du régiment marchant avec un drapeau à Croix Rouge en compagnie de deux officiers allemands au beau milieu de la route de Carentan.
"Sympa! "ai je dit à Folley ; "La guerre n'est qu'un jeu finalement!" Des années plus tard, j'ai appris que nous avions envoyé durant cette trêve un Medic du Medical Corps jusqu'au centre ville de Carentan pour demander au commandant allemand de se rendre. Il n'a pas voulu!.
Cette trêve d'une heure n'a finalement servi qu'à fâcher davantage encore les paras du 6th FJ. les combats ont empiré, et l'après midi n'a plus été qu'un enfer ininterrompu pour quiconque tentait de franchir les ponts. Nous autres américains étions accrochés par la peau des dents au moindre centimètre carré gagné de l'autre côté du pont. les paras allemands étaient en chasse, multipliant les attaques. Il n'y eut aucun répit de toute l'après-midi. Ils nous tombaient dessus vague après vague, avec leurs fusils et mitraillettes tirant dans toutes les directions.
Heure par heure, ils sortaient de Carentan depuis les fossés de chaque côté de la nationale. Ils longeaient les quatre grandes haies vers le carré de chou et les caniveau. Ils arrivaient depuis la voie de chemin de fer et les hauteurs vers le verger et la ferme Ingouff. Des balles d'armes légères remplissaient l'air et trouvaient leurs cibles au fur et à mesure que la journée s'avançait. Chaque camp a payé un sacré prix pour chaque attaque et contre attaque.
Folley et moi avons ramassé des M1 pour remplacer nos carabines. Dès le milieu de l'après midi, le champs de bataille était jonché de matériel et d'armes diverses des deux camps. Ils y avait tant de blessés et de morts sur le terrain que vous pouviez à loisir choisir l'arme que vous vouliez....
Une fois dans le fossé plein d'eau, Folley et moi sommes restés là jusqu'à la fin des combats. Pendant 6 heures et demi, à partir de 13 heures, on est resté assis là, nous levant de temps en temps pour nous dégourdir, et même nous allongeant dans l'eau pour essayer de dormir. Bien que nous soyions presqu'en été, j'étais gelé jusqu'aux os quand le soleil s'est couché.
La ferme fut reprise. Cole fit des plans avec le régiment pour préparer une retraite. Le second battalion devait établir une ligne de feu à partir de la nationale, de façon à permettre aux valides des 1 et 3rd battalion de se replier vers le pont N°4. Les blessés devraient rester en arrière.
Un sentiment lugubre planait sur nous. On le voyait sur chaque visage. Je n'avais pas abandonné, pas plus qu'aucun de mes camarades. On tenait toujours le coup. Nous n'étions plus très nombreux mais nous continuions à tire sur l'ennemi. On tirait dans la direction d'où venait le bruit de leur culasse manuelle. On n'arrivait pas à les voir.. J'avais passé mon fusil à travers la haie, pointé vers l'ennemi. Quand je les entendais approcher, je tirais comme avec une mitraillette, deux coups à la fois.
"pour l'amour de Dieu" entendit on de quelque part dans ce fossé plein d'eau ; "Pourquoi nos gars continuent ils de balancer des obus si loin au dessus de nous! On a besoin de soutien d'artillerie tout de suite et exactement sur nous."
Et soudain (il devait être près de 18 heures), c'est arrivé! comme une pluie divine. Notre artillerie a tiré juste devant nos lignes devant le fossé. Tous nos canons ont ouvert le feu. C'est le plus gros barrage venant de nos lignes que j'avais jamais expérimenté. Il a duré seulement 5 minutes et a tué quelques paratroopers US qui avaient pourtant survécu à trois jours de combat. Mais ce barrage a sauvé le 502! On avait gagné!
Pour les allemands du 6th FJ, c'était la fin du combat pour Carentan. C'était fini pour eux. A minuit, ils s'étaient tous retirés, et le lendemain matin (Jour J+6), ils quittaient Carentan. Les allemands avaient subi de terribles pertes. Mais ils se reformeraient, et nous allions les retrouver plus tard.
Je demeurai assis, sous le choc, comme beaucoup d'autres après la bataille. Je ne savais pas si nous avions gagné. Mais je savais que l'artillerie nous avait délivré. Je ne me souviens plus comment ni par qui j'ai su que la bataille était terminée. Ceux d'entre nous qui avaient passé la journée dans le fossé plein d'eau se retrouvèrent à arpenter le bout de la nationale, à errer au milieu de la route. On nous dit de retrouver les survivants de chacune de nos compagnies.
VJ Folley et moi étions toujours ensemble et on s'est mis à la recherche de C Company. Quand on les retrouva, captain Hancock nous dit de rassembler le second platoon. On a retrouvé Bob Cahoon, notre porteur de munitions, toujours en une seule pièce. On lui a demandé où était le second platoon. il a dit : ICI!" On a regardé autour de nous, et on a vu seulement le sergent Jay B Schenk. Je n'en croyais pas mes yeux. Du second platoon ne restait que nous quatre! J'ai dit à Folley : "P...n! c'était chaud. Ils ont presque anéanti tout le second platoon." Même le "vieux" sergent Jay B Schenk avait l'air sonné. D'ailleurs, il ne trouvait rien à dire! C'est un signe!
Quand la nuit est tombée en cette journée de juin, j'ai vu l'incendie d'une ville en flamme dans le Sud est. En repartant de Carentan vers St Côme, on est resté sur le bord de la nationale pendant que le 1st battalion du 506th PIR prenait notre place. Un des gars du 506 a crié : "Hey, les Five o' deuce! On dirait que vous avez été très occupé! Personne ne vous a dit qu'on ne travaille pas le dimanche!"
Il était minuit passé quand nous avons rejoint St Côme. Je suis entré dans un petit pré et me suis cherché un petit endroit le long de la clôture sous une haie. Je n'ai pas creusé de foxhole car je n'en avais plus la force.
Je n'avais pas dormi depuis 44 heures."
Sergeant Layton Black, C/502 PIR
"Blackie" recevant sa Bronze Star à Auxerre en 1945 des mains du Major Fitzgerald, CO 1/502nd PIR…
THE END!
From ""THE LAST FIRST SERGEANT" de Layton Black
