A l’origine de l’opération Bluecoat
A la fin du mois de juillet 1944, les Américains poursuivent l’exploitation de l’opération Cobra au sud du Cotentin tandis que les troupes allemandes en Normandie restent concentrées dans la région sud de Caen. Il devient urgent pour le général Montgomery, commandant les forces terrestres alliées, de protéger le flanc gauche des Américains tout en permettant aux Britanniques et aux Canadiens de reprendre l’avantage et d’empêcher une vaste contre-offensive allemande dans le « ventre mou » du front de Normandie.
En effet, les Allemands sont solidement retranchés le long d’une ligne reliant Torigny-sur-Vire, Villers-Bocage à la cote 112. Ils ont tiré profit d’un terrain propice à la défense et tiennent Vire, un nœud routier prépondérant du Calvados, en plus des hauteurs du mont Pinçon favorables à l’observation. Montgomery ne veut pas qu’un saillant voit le jour entre la 2e armée britannique du Lieutenant General Miles Dempsey et la 1ère armée américaine de Hodges, qui pourrait profiter à leur adversaire. C’est pourquoi il imagine l’opération Bluecoat qui vise à maintenir la pression sur les forces allemandes dans la région de Caen en fixant l’adversaire par une nouvelle offensive.
Les Américains et les Britanniques font leur jonction à hauteur de Villers-Bocage et les Anglais se préparent à attaquer. Initialement prévu le 2 août 1944, l’assaut débute le 30 juillet par un bombardement massif délivré par plus de mille bombardiers alliés. Mais les mauvaises conditions météorologiques empêchent les pointeurs d’atteindre et parfois de trouver leurs cibles.
Déclenchement de l’opération
L’objectif est de bousculer les défenses adverses : les Allemands se sont particulièrement bien installés dans le bocage normand et ont enfoui des centaines de mines pour interdire l’accès des points clés du terrain. L’infanterie et les chars des 8e et 30e corps de la seconde armée britannique attaquent dans la foulée des bombardements au sud et à l’est de Caumont-l’Eventé. Les Allemands du Panzergruppe ouest commandés par Eberbach et de la 7e armée allemande de Hausser retardent la progression alliée. Pendant ce temps, les 1ère et 9e divisions Panzer S.S. attaquent à l’est de Caen et affaiblissent les lignes de défense britanniques. Lors de la première journée de l’opération Bluecoat, les objectifs initialement prévus ne sont pas atteints.
Bien que certaines unités aient progressé de plus de huit kilomètres vers le sud, le 30e corps britannique est fortement ralenti et ses divisions ne sont qu’à deux kilomètres de leur point de départ par le terrain ou par les champs de mines encore intacts.
Dans la nuit du 30 au 31 juillet 1944, la première armée allemande prépare une contre-attaque, tandis que renforts affluent pour contrer la progression alliée : la septième armée se regroupe aux environs de Vire et ses blindés se mettent en position défensive. Le lendemain, la 11e division blindée britannique s’empare de Saint-Martin-des-Besaces et arrête la contre-attaque des chars allemands dirigée au sud de Caumont : la 21e Panzerdivision, épaulée par la 326e division d’infanterie allemande, sont au contact avec les 15e et 43e divisions d’infanterie anglo-canadiennes. De durs combats s’engagent mais la 2e armée du général Dempsey résiste bien. Les adversaires des Britanniques commettent une erreur de taille : ils laissent sans surveillance un pont sur la Souleuvre qui passe sous contrôle du 2nd Household Cavalry en début d’après-midi, ce qui permet aux Anglais d’installer une tête de pont de l’autre côté de la rivière.
Le 1er août, la 1ère armée canadienne est quant à elle chargée de repousser les contre-attaques dans la région est et sud de Caen. Le 8e corps utilise de son côté la tête de pont de la Souleuvre comme point de départ de sa nouvelle offensive : de farouches combats ont lieu dans les environs de la Forêt du Homme et au sud-est de la Forêt l’Evêque, car la 21e S.S. Panzer division, épaulée par la 326e division d’infanterie allemande, contre-attaque vers le nord et l’est, face aux 15e et 43e divisions d’infanterie britanniques et la 11e division blindée qui perce vers le sud en direction de Vire.
Les 9e et 10e S.S. Panzer divisions livrent de violents combats pour stopper la 11e division blindée britannique et les Allemands sont obligés de se replier vers le sud malgré de sévères pertes infligées aux Alliés.
Néanmoins, les Alliés se trouvent dans une situation délicate : les différents rythmes de progression des unités vers le sud exposent un peu plus les flancs des Britanniques. La complication de la situation entraîne de lourdes conséquences et des dissensions internes au sein de l’état-major allié. Aussi le commandant du 30e corps, Gerard Bucknall, est relevé de ses fonctions le 2 août. George Erskine, commandant de la 7e division blindée, subit le même sort le 3 août. Ce même jour, les blindés de la 10e S.S. Panzerdivision repoussent les Britanniques de la 7e division blindée sur leur ligne de départ.
Malgré ces difficultés et un ralentissement de la progression alliée le 4 août, les Britanniques enfoncent les lignes adverses et les Allemands se voient obligés d’engager leurs dernières réserves. Von Kluge fait en appel à d’ultimes renforts et retire ses troupes derrière l’Orne jusqu’à Thury-Harcourt ce qui profite immédiatement au 12e corps anglais : bien que la progression à l’est du flanc américain, le long de la rivière Vire, soit rendue difficile par la défense acharnée des parachutistes allemands de la 3e division et des survivants de la 10e S.S. Panzer division, la situation semble enfin tourner largement à l’avantage des Britanniques. A l’ouest de Caen, les 53e et 59e divisions d’infanterie libèrent les villages clés de Villers-Bocage et d’Evrecy, ainsi que la cote 112. Profitant de cette baisse de régime des forces allemandes, les Anglo-Canadiens décident de mettre au point une nouvelle offensive qui doit couper la retraite des forces allemandes qui commencent à se replier derrière la Seine.
Les troupes allemandes situées entre Thury-Harcourt et Mortain s’inquiètent. Elles craignent un encerclement anglo-canadien par le nord et américain par le sud. Le haut quartier général allemand décide de contre-attaquer massivement avant d’être submergé en Normandie et il met au point une opération qui doit débuter dans les prochains jours. Les Britanniques, conscients de la mauvaise posture allemande entre Mortain et Thury-Harcourt, décident de poursuivre l’offensive Bluecoat un certain temps, avant de concentrer l’offensive au sud de Caen pour accélérer le phénomène d’encerclement. Cependant, si à l’est de la capitale du Calvados la progression est encore possible, elle est très limitée dans la région proche de Caen. Le 5 août, la 11e division blindée britannique libère Saint-Charles.
Le front britannique n’évolue pratiquement plus dans la région sud de Caen depuis près d’une semaine et la 1ère armée canadienne souffre face aux défenseurs de la 1ère S.S. Panzer. Le 6 août, les Américains libèrent Vire et les Britanniques de la 43e division d’infanterie Wessex s’emparent du Mont-Pinçon après de durs combats : d’abord immobilisés par les tirs de mortiers et de mitrailleuses lourdes, les Anglais du 13/18th Hussars découvrent un sentier laissé sans surveillance par les Allemands et l’utilisent pour atteindre le sommet. La 2e armée britannique se dirige ensuite lentement vers Thury-Harcourt et Condé, face au 74e corps allemand.
Conclusions de l’opération Bluecoat
L’opération Bluecoat permet aux forces britanniques de maintenir l’essentiel des troupes et des blindés allemands concentré au sud de Caen tout en prenant le contrôle de nouveaux points clés comme la plaine de Caen et les hauteurs du Mont-Pinçon. Pendant ce temps, les Américains peuvent poursuivre leur avance sans rencontrer d’importante résistance : ils atteignent Le Mans et la situation tactique leur permet d’envisager l’hypothèse d’un encerclement des troupes des 5e et 7e armées allemandes qui pourrait s’effectuer dans la région de Falaise.