Opération Cobra (1/2)

25-30 juillet 1944

Opération Cobra 25 juillet 1944 Plan de l’opération Cobra

A l’origine de l’opération Cobra

Un mois et demi après le Jour J, l’essentiel des renforts allemands en Normandie est dirigé vers la ville de Caen. Cherbourg étant tombé aux mains des Américains, ils décident de se concentrer sur la défense de Caen, carrefour routier névralgique de la région. Le commandant de la 1ère armée américaine, Omar Bradley, envisage de profiter de la situation stratégique dans la région pour percer le front à l’ouest de Caen et libérer la Bretagne de l’occupation adverse : en effet, l’équilibre des lignes allemandes penche fortement en faveur de la région de Caen, qui concentre l’essentiel des unités blindées, délaissant le sud du Cotentin.

La situation n’en demeure pas moins bloquée pour les Américains qui progressent très lentement et au prix de lourdes pertes. La nature du terrain, le bocage normand, est l’une des explications de ces mauvais résultats. Entre La Haye-du-Puits et Lessay, ils comptent 1 000 tués au kilomètre et la seule capture du mont Castre leur coûte 5 000 hommes. La 79e division d’infanterie perd un homme tous les trois mètres lors de la conquête du village de Montgardon, près de La-Haye-du-Puits. La météo est exécrable et empêche le soutien aérien d’appuyer les unités au sol, sans compter son mauvais impact sur le moral des troupes alliées.

Image : Soldats américains prenant position au sud de la-Haye-du-Puits après la capture de la ville

Soldats américains prenant position au sud de La-Haye-du-Puits après la conquête de la ville. Photo : US National Archives

Les Alliés débutent la mise au point de cette opération dès le 13 juin 1944, avant que la prise de Cherbourg au nord du Cotentin ne devienne l’une de leurs premières priorités. L’idée est reprise le mois suivant et présentée au général Montgomery le 10 juillet. Son lancement est prévu pour le 18 juillet. Bradley compte sur l’obtention de renseignements complémentaires collectés par 31 résistants dès le 12 juillet dans la Manche et le Calvados, afin de préciser le dispositif et les positions allemandes (opération Helmsman).
Au début de l’opération, la ligne de front doit être percée par le Major General Eddy commandant la 9e division d’infanterie et le Major General Hobbs commandant la 30e division d’infanterie. Puis les renforts doivent progresser à travers les lignes allemandes et se diriger vers l’ouest.

Les Américains réunissent quatre divisions d’infanterie et deux divisions blindées sur un étroit corridor de huit kilomètres seulement. Ces unités sont placées sous le commandement du 7e corps du général Collins. Pendant ce temps, les Britanniques font diversion en lançant plusieurs opérations dans la région de Caen, ce qui focalise l’attention des Allemands. Alors que 110 chars font face aux unités américaines dans le sud du Cotentin, près de 600 blindés sont rassemblés face aux forces anglo-canadiennes.

Un début difficile pour Cobra

Les conditions météorologiques retardent le début de l’opération Cobra du 18 au 20 juillet, puis au 24 juillet.

Image : Carte de la situation dans la nuit du 24 au 25 juillet 1944
Carte de la situation tactique dans la nuit du 24 au 25 juillet 1944.

Trois divisions de la 8e U.S. Air Force, soit près de 1600 bombardiers, ainsi que six groupes de chasseurs-bombardiers de la 9e T.A.C. (Tactical Air Combat) commencent à bombarder, en début d’après-midi, un étroit corridor situé à quatre kilomètres au nord-ouest de Saint-Lô, long de six kilomètres et large de trois. Plusieurs objectifs ont été détaillés par la résistance française suite à l’opération Helmsman. Mais les nuages sont nombreux et gênent le bon déroulement du bombardement ; 500 bombardiers choisissent de faire demi-tour.

En prévision de ces bombardements, les forces américaines situées dans le secteur (il s’agit des 9e et 30e divisions d’infanterie) ont reçu l’ordre pendant la nuit du 23 au 24 juillet de se replier sur une distance de 1 100 mètres vers le nord-est. Mais, si le temps s’est amélioré, il n’est pas encore excellent et des unités de la 30e division d’infanterie sont bombardées par erreur. 25 soldats américains sont tués et 131 sont blessés. Des dizaines de soldats sont enterrés vivants par les immenses gerbes de terre soulevées par les explosions, tandis que les autres se précipitent pour les dégager de cette mauvaise posture. Les rescapés de la 30e division rejoignent leurs positions abandonnées pendant la nuit et observent les mouvements ennemis.

Des combats ont lieu car les Allemands de la Panzer Lehr Division se sont infiltrés dans ces positions, notamment dans le secteur du 60e régiment d’infanterie appartenant à la 9e division américaine, entre le lieu-dit Hauts-Vents et le Bois du Hommet, le long de la route de Saint-Lô à Périers, au sud-ouest de Saint-Jean-de-Daye.
Les rapports du bombardement alarment le général Bradley. Toutefois, il décide de maintenir l’offensive Cobra pour le lendemain.

Le plus important « Carpet Bombing » de la guerre

Le mardi 25 juillet, à 9 heures 40 et durant près d’une heure, commence la mise en place du plus grand « tapis de bombes » (« Carpet Bombing » en anglais) de toute la Seconde Guerre mondiale : 1 500 B-17 et B-24 larguent près de 3 300 tonnes de bombes entre Montreuil et Hébécrevon au nord-ouest de Saint-Lô. Ces bombardiers sont appuyés par 1 000 autres appareils moyens et chasseurs-bombardiers : 60 000 bombes incendiaires sont larguées sur 12 kilomètres carrés de bocage, soit 5 000 bombes par kilomètre carré. L’artillerie terrestre prend le relais : un pilonnage massif est effectué par 1 100 pièces d’artillerie.

Image : Une pièce M114 de 155 mm en action près de Périers

Une pièce M114 de 155 mm en action près de Périers. Photo : US National Archives

A nouveau, du fait des mauvaises conditions atmosphériques et de la proximité des forces américaines, plusieurs dizaines de soldats sont tués par les bombardements de leurs propres unités. On dénombre 111 morts et près de 500 blessés dans les rangs américains. Parmi les morts, les Américains apprennent le décès du Lieutenant General Lesley McNair, plus haut gradé américain mort au combat sur le théâtre européen.

Les bombardements sont également désastreux pour les forces allemandes qui perdent de nombreux soldats et véhicules : la Panzer Lehr n’a plus que sept chars en état de marche dans ce secteur. Les Allemands perdent non seulement leur appui blindé, mais en plus, près de 2 500 soldats sont tués par les bombardements (sur les 5 000 de la Panzer Lehr).

La géographie des lieux se trouve fortement modifiée par ces bombardements, au point d’avoir des conséquences gênantes pour la percée américaine elle-même. En effet, les bombes ont creusé d’immenses cratères à travers le bocage normand, au point de rendre particulièrement difficile la progression des véhicules dans le secteur. Les villages environnants sont impraticables, étant transformés en amas de ruines : à titre de triste exemple, la commune de La Chapelle-en-Juger est rayée de la carte.

Les Américains lancent leurs six divisions à l’attaque entre Montreuil et Hébécrevon, qui prennent les directions suivantes, d’ouest en est : la 9e division d’infanterie, sur le flanc gauche de l’offensive, se dirige vers le sud de Montreuil et doit repousser les contre-attaques des 2e et 17e S.S. Panzer Division. La 1ère division d’infanterie attaque en direction de Marigny et poursuit les éléments parachutistes allemands en fuite. La 3e division blindée se dirige vers Cerisy-la-Salle, la 4e d’infanterie progresse vers Canisy. La 2e division blindée attaque Saint-Gilles alors que les troupes du flanc est, de la 30e d’infanterie, se dirigent vers le sud de Saint-Lô, attaquant la 352e division d’infanterie et le 2e régiment de parachutistes.

Au soir du 25 juillet, la ligne de front n’a progressé que de 2 kilomètres vers le sud. Les généraux américains, et notamment Bradley, s’inquiètent de cette faible avancée mais les prisonniers allemands indiquent qu’ils sont encore choqués par la puissance des bombardements. Les Américains décident ainsi d’augmenter la quantité de bombardements pour le jour suivant.

Image : Le soldat Sam J. Abbot avec sa mitrailleuse Browning en surveillance dans une haie du bocage

Le soldat Sam J. Abbot avec sa mitrailleuse Browning en surveillance dans une haie du bocage. Photo : US National Archives

Le même jour, les Britanniques lancent de leur côté l’opération Spring, au sud de Caen. Cette offensive, principalement menée par le Black Watch Regiment canadien, doit persuader les Allemands de maintenir une force importante au contact des Britanniques, au lieu d’envoyer des renforts combattre l’offensive américaine.

 Page suivante

Auteur : Marc Laurenceau – Reproduction soumise à l’autorisation de l’auteur – Contact Webmaster