La percée alliée (première partie)
Jour-J + 32 à Jour-J + 55 – Du 8 au 31 juillet 1944
Un Sherman Bulldozer traverse le pont d’Airel le 8 juillet avec des soldats du 105th Engineer Combat Batallion américain. Photo: US National Archives
Le 9 juillet 1944, suite à l’opération Charnwood, le nord de Caen tombe enfin dans les mains de la 2e armée du général Dempsey. Le port de Cherbourg, détruit par les Allemands au moment de l’attaque de la ville, est en réparation afin de permettre aux forces alliées de débarquer du matériel dans un port en eau profonde (il est inauguré le 17 juillet 1944 par les navires de transport alliés).
Des soldats canadiens patrouillent au nord de Caen le 9 juillet 1944. Photo: IWM
Opération Goodwood
Mais au sud de Caen, l’effet d’attraction des blindés Allemands se poursuit, ce secteur étant solidement tenu par le Panzergroupwest d’Eberbach. Pour s’emparer de la totalité de la capitale du Calvados, le général Montgomery met au point une nouvelle opération, nom de code Goodwood. Elle vise à prendre le contrôle de la partie sud de la ville en attaquant à l’est à partir des positions défendues par la 6e division aéroportée, constituées le 6 juin entre les rivières de l’Orne et de Troarn. L’attaque est prévue pour le 18 juillet 1944.
Un soldat britannique patrouille, baïonnette au canon. Photo: IWM
Trois divisions blindées britanniques (la 11e, la 7e et les Guards), sous la responsabilité du 8e corps britannique du général O’Connor, doivent attaquer à l’est de Caen en direction des terrains découverts au sud et au sud-ouest de Caen ainsi que vers Falaise.
A Saint-Fromond, une colonne blindée américaine attend le 11 juillet l’ordre du départ. Photo: US National Archives
Mais les préparatifs de cette attaque alarment les Allemands qui remarquent les mouvements d’infanterie et de blindés de leurs adversaires avant même le début de l’opération. Rommel ordonne à Eberbach (commandant le groupe blindé ouest, responsable de la partie Est du front, sur le flanc droit de la 7e armée allemande) de renforcer la défense au sud de Caen en installant des batteries de canons de 88 mm et des chars des 1ère et 12e S.S. Panzer divisions et de la 21e Panzerdivision. Ce commandement d’Eberbach prend par la suite le nom de 5. Panzer Armee.
Position allemande (soldats de la Heer) de mitrailleuse lourde, ici une MG 42, dans le bois de Bavent début juillet. Photo: Bundersarchiv
Rommel part le 17 juillet inspecter les fortifications mises en place par Eberbach et à son retour du trajet vers son poste de commandement à La Roche-Guyon, une patrouille d’avions chasseurs-bombardiers composée de pilotes alliés prend en chasse le général. Le chauffeur de la voiture est tué et Rommel est très gravement blessé : un véhicule d’un civil normand roule sur cette route à ce moment et il est réquisitionné par les rescapés de l’attaque, puis leur officier est amené dans un hôpital militaire allemand en toute urgence. C’est von Kluge qui assure les responsabilités de Rommel à la tête de son commandement (commandement ouest) que personne ne remplace, en plus de ses propres responsabilités au sein du commandement du groupe d’armée B.
Le conflit des chefs
La défense allemande, face à l’attaque de l’opération Goodwood, résiste fort bien jusqu’au 24 juillet et fait perdre jusqu’à 126 chars en une seule journée à la 11e division britannique. Mais la ville de Caen est à cette date totalement sous contrôle allié, ainsi que la plaine environnante sur une profondeur de 7 kilomètres. Si Goodwood semble une réussite, Eisenhower et l’ensemble du commandement allié doutent de son réel succès et le chef suprême des forces alliées souhaite faire le point, le 19 juillet 1944, avec le responsable des forces américaines Omar Bradley et le responsable des forces britanniques Montgomery.
Cette rencontre a lieu d’autant plus que les rapports internes entre les chefs militaires alliés ne sont pas les meilleurs : la progression est très lente dans la région de Caen, voire insuffisante compte tenu des moyens déployés. De plus, les pertes en vies humaines sont très élevées et l’approvisionnement des forces débarquées est en retard par rapport aux prévisions suite aux mauvaises conditions atmosphériques. Bradley les informe qu’une opération américaine visant à percer le front au sud du Cotentin est prête et qu’il attend le moment opportun (lié essentiellement à une amélioration des conditions météorologiques) pour la lancer.
Quant à Montgomery, il estime que sa dernière opération, Goodwood, est satisfaisante au niveau des résultats, même si elle apparaît comme désastreuse pour la plupart des généraux alliés. Churchill, prévenu par Eisenhower, rend visite à Montgomery et lui demande de continuer ainsi. Cette tension entre les différents dirigeants militaires alliés semble s’apparenter à une crise, qui disparaît très vite suite aux événements qui se déroulent après la rencontre du 19 juillet.
Le 20 juillet a lieu l’attentat manqué contre Hitler, alors qu’il examine des cartes avec ses généraux au grand quartier général de Rastenburg, en Prusse orientale.
Les conséquences en Normandie ne sont pas d’ordre militaire, car les soldats allemands poursuivent les combats avec la même ferveur. En revanche, suite à cet attentat, le Führer prend beaucoup plus de distance avec ses généraux, notamment ceux issus de la noblesse (qui sont d’ailleurs nombreux) et qu’il accuse de comploter contre lui. En effet, la bombe qui devait le tuer a été déposée par un membre de son propre entourage militaire, le comte Claus von Stauffenberg, officier d’état-major.
Hitler se rend sur les lieux de l’explosion avec Mussolini, après l’attentat manqué du Rastenburg, le 20 juillet 1944. Photo : Bundesarchiv
Ceci n’améliore pas les mauvaises relations entre les officiers des quartiers généraux allemands. Hitler ne fait déjà plus confiance aux unités classiques comme la Wehrmacht et il privilégie encore davantage des unités considérées comme des élites militaires, les divisions S.S., ce qui n’améliore pas non plus les relations entre la Wehrmacht et les S.S. Le pouvoir d’Hitler est bien plus important désormais bien que la guerre se prolongent. Les ressources allemandes sont encore importantes et ce malgré les bombardements incessants des Alliés.
La guerre des haies
Consultez le dossier dédié à la spécificité de la guerre des haies, cliquez ici.
Bradley indique que la zone marécageuse de Carentan est encore l’objet de sérieux combats. La 1ère armée américaine est retenue dans ce secteur, farouchement défendu par les troupes allemandes qui sont conscientes de l’importance stratégique de cette ville reliant les plages d’Utah et d’Omaha. Mais petit à petit, les Américains s’enfoncent vers le sud de la Normandie et la 1ère armée s’empare de la ville de La-Haye-du-Puits après sept jours de combats meurtriers.
Une photographie illustrant la « guerre des haies », près de Saint-Lô. Photo: US National Archives
Les Américains, rassurés par la libération de Cherbourg, peuvent se concentrer sur la progression de leurs troupes en direction du sud. Début juillet 1944, les quatre corps de l’armée américaine (soit quatorze divisions) sont positionnés vers le sud sur un front de 75 kilomètres entre la côte ouest du Cotentin, au sud de Saint-Sauveur, et Caumont à l’est.
Cependant, la progression des troupes débarquées n’est pas facile : le bocage et les haies de Normandie occupées par une quinzaine de divisions appartenant au 84e corps allemand (aux ordres de von Choltitz, qui remplace Farmbacher limogé après la chute de Cherbourg et qui remplace lui-même Erich Marcks, tué à Caumont) ne facilitent pas la tâche des Alliés.
La progression américaine est lente : les Allemands font de chaque haie une forteresse, avec mitrailleuses lourdes et blindés légers en embuscade. Caumont sert de pivot à la ligne de front qui atteint le 18 juillet Saint-Lô, ville martyre, détruite par les bombardements à près de 80 %. Le nord de la route de Périers et Lessay est sous contrôle américain, mais les Allemands sous les ordres de von Choltitz défendent solidement la partie sud de la route.
Ne disposant que d’une seule division de réserve (la 2e S.S. Panzerdivision, arrivée de Toulouse fin juin, au nord de Coutances), toutes les autres divisions sont positionnées en défensive, y compris la Panzerlehrdivision, sur le front depuis le 8 juin 1944 (au départ, elle est positionnée à proximité de Caen) sans interruption.
Saint-Lô, détruite à 80 %, est prise le 18 juillet 1944. Photo: US National Archives
Les Britanniques et les Canadiens avancent également vers le sud de Caen et en direction du mont Pinçon qui domine le centre de la ligne de front alliée.
Les usines militaires allemandes fonctionnent encore à grand régime : 4 545 avions bimoteurs sont livrés durant le deuxième trimestre de 1944, alors que 2 545 sont détruits en vol ou au sol par les forces alliées. De même entre mai et juillet 1944 pour les industries de chars qui livrent 2313 blindés à la Wehrmacht contre 1 730 de perdus. L’une des préoccupations majeures des forces allemandes est le déplacement des unités nouvelles et les réserves. En effet, ces dernières connaissent des pénuries de carburant, des difficultés de communication et un non remplacement du personnel qualifié, sans compter les attaques incessantes des chasseurs-bombardiers alliés et de la résistance française.
Du 6 juin au 23 juillet 1944, la 7e armée allemande et le groupe blindé ouest perdent 116 863 hommes et n’en reçoivent que 10 078 venant des centres d’instruction. Il en est de même pour les blindés : alors que trois à quatre centaines de blindés sont détruits, seules deux dizaines de chars les remplacent.
Soldats américains prenant position au sud de la-Haye-du-Puits après la capture de la ville. Photo: US National Archives
Opération Cobra
Pour consulter le dossier complet dédié à l’opération Cobra, cliquez ici.
Le responsable des forces militaires terrestres américaines engagées en Normandie, Omar Bradley, souhaite lancer une offensive de grande envergure afin de percer le front et de désorganiser les défenses ennemies pour précipiter la fin de l’armée allemande dans le nord-ouest de la France.
Cette opération, dénommée Cobra, est prévue pour le 20 juillet. De nouveaux renforts sont débarqués et en sept semaines 36 divisions alliées sont opérationnelles en Normandie, sans compter les forces d’appui aérien et terrestre qui représentent un total de 1 566 000 hommes, 332 000 véhicules et 1 500 000 tonnes de matériel et munitions. En raison de mauvaises conditions atmosphériques, le lancement de l’opération Cobra est reporté au 25 juillet.
A cette date, le front au sud du Cotentin a progressé d’une quinzaine de kilomètres au prix de très lourdes pertes.
Retour au menu Bataille de Normandie