Les objectifs de l’opération Charnwood
La ville de Caen est un des objectifs majeurs des armées britanniques engagées en Normandie. De durs combats s’engagent dès le 6 juin au soir pour la conquête de cette ville qui devait justement tomber aux mains des Alliés dans la soirée du Jour J, conformément aux plans initialement prévus. Le général anglais Montgomery concentre ses efforts et décide de mettre sur pied plusieurs opérations afin de s’emparer de Caen, notamment l’opération Perch (7 juin 1944), l’opération Epsom (26 juin 1944) et l’opération Windsor (4 juillet 1944).
L’ensemble de ces opérations ont tous l’objectif inavoué de percer définitivement le front et faire chuter rapidement les défenses autour de Caen. Mais au début du mois de juillet 1944, un mois après le débarquement, la ville est toujours aux mains des Allemands et ces derniers accumulent leurs renforts dans ce secteur.
Montgomery fait le constat suivant : les manœuvres de contournement ont échoué les unes après les autres, il ne reste plus que l’option de l’attaque frontale. Il veut établir une tête de pont dans la partie nord de Caen en s’emparant des divers ouvrages d’art dans le secteur et progresser le plus loin possible en direction du sud de la ville. La mission est confiée au 1er corps commandé par le général Crocker, à la tête de 115 000 hommes. Afin d’empêcher d’éventuels renforcements allemands, le 8e corps reçoit la mission de fixer ses adversaires à l’ouest de Caen dans les prochaines vingt-quatre heures.
La 3e division d’infanterie britannique, appuyée par la 33e brigade blindée, doit attaquer au nord-est ; la 59e division d’infanterie Staffordshire, appuyée par la 27e brigade blindée, attaque au nord ; enfin, la 3e division d’infanterie canadienne, appuyée par la 2e brigade blindée canadienne, attaque au nord-ouest. Les consignes données au général Crocker sont d’étaler son dispositif pour engager un maximum d’éléments adverses, gênant ainsi ses possibilités de renforcement et la cohérence de ses réactions.
Côté allemand, la ville est défendue par la 12e S.S. Panzerdivision commandée par Kurt « Panzer » Meyer (composée des 1er, 25e et 26e régiments S.S. Panzergrenadier), la 16e division de la Luftwaffe (Luftwaffe-Feld-Division) ainsi que par des éléments du 12e régiment S.S. Panzer. Le commandement de ces forces se situe alors à l’Abbaye-aux-Dames au centre de Caen (il se trouvait précédemment à l’Abbaye d’Ardenne. La 1ère division S.S. Panzer se trouve au sud de Caen.
Déroulement de l’opération Charnwood
L’opération Charnwood est précédée par l’un des plus importants bombardements aérien de la bataille de Normandie : 467 bombardiers de la Royal Air Force (des Lancaster et des Halifax) transportant un total de 2 000 tonnes de bombes, 656 pièces d’artillerie provenant de cinq divisions différentes ainsi que quatre bâtiments de guerre (H.M.S. Roberts, H.M.S. Belfast, H.M.S. Emerald et H.M.S. Rodney) sont consacrés à l’appui des troupes au sol, sans compter les renforts de l’armée de l’air américaine et des chasseurs-bombardiers légers alliés.
Cette imposante puissance de feu vise à faire voler en éclats la défense allemande au nord de Caen, qui a valorisé ses positions depuis un mois, et également à désorganiser les unités stationnées au sud de Caen en réserve. En fin de soirée le 7 juillet 1944, les vagues de bombardiers (qui représentent à ce moment la moitié des moyens des forces aériennes de bombardement alliées) se succèdent au-dessus de Caen et larguent leur mortelle cargaison. A compter de 22h50, six escadrilles de bombardiers Mosquito attaquent des cibles ponctuelles. A 23h00, les 656 pièces d’artilleries renforcées par les bâtiments de guerre ouvrent le feu sur les positions allemandes et les villages au nord de Caen. Si la plupart des objectifs sont manqués et que les lignes de défenses allemandes ne sont pratiquement pas touchées, le bombardement massif a un effet particulièrement positif sur le moral des troupes anglo-canadiennes.
Toute la nuit, les bombardements se prolongent. Les quelques soldats anglo-canadiens qui ont réussi à trouver le soleil sont réveillés peu après minuit et ils se déplacent ensuite sur leur ligne de déboucher. Les troupes au sol progressent à compter de 04h30, le barrage d’artillerie reculant simultanément en direction des positions allemandes. Le retour du jour permet aux forces aériennes d’attaquer à nouveau des cibles précises et à sept heures du matin, 196 B-25 Marauder se dirigent vers Caen. Mais les nuages sont bas et masquent le terrain : seuls 87 appareils sont en mesure de larguer leurs bombes.
La 3e division d’infanterie britannique progresse à un bon rythme, atteignant Lebisey puis Hérouville. La 59e division d’infanterie Staffordshire fait face à une résistance farouche des S.S. du 12e Panzer Regiment au centre du dispositif anglo-canadien, à l’approche et dans les localités de Galmanche et La Bijude (où une compagnie de la 176e brigade d’infanterie perd tous ses officiers supérieurs lors d’un tir de neutralisation de l’artillerie allemande). A midi, Saint-Contest est atteint par la 197e brigade. A l’ouest du dispositif, la 9e brigade de la 3e division d’infanterie canadienne livre de furieux combats dans Buron, aux mains de 200 soldats du 12e S.S. Panzer Regiment : elle perd soixante pour cent de ses effectifs en s’emparant de cette localité, vers midi. Quant aux S.S., ils perdent treize chars au sud de Buron. Gruchy puis Authie sont libérés par la 7e brigade d’infanterie canadienne tandis que la 59e Staffordshire s’empare de Saint-Contest et de l’Abbaye d’Ardenne peu avant minuit.
Les généraux allemands comprennent la stratégie anglo-canadienne et décident d’employer eux aussi les grands moyens : ils ordonnent à la 21e Panzerdivision de se redéployer au nord-est de Caen. Mais les observateurs avancés alliés aperçoivent le mouvement et empêchent tout mouvement adverse en guidant un puissant tir de barrage de l’artillerie navale : la 21e Panzerdivision reste finalement sur place. Quatre-vingt pour cent de la ville est détruite suites aux différents bombardements et les ruines gênent les mouvements de véhicules.
Vers la fin de l’opération Charnwood
En soirée, ordre est donné à la 12e S.S. de rompre le contact et de se replier au sud de Caen. Le commandement anglo-canadien est mis au courant de ce repli mais l’abondance de patrouilles allemandes au nord de la ville trompe les unités avancées qui n’exploitent pas la situation. A la nuit tombée, les deux camps s’enterrent et valorisent leurs positions, pendant que les pièces d’artillerie ne cessent d’ouvrir le feu, d’un côté comme de l’autre. Pour les Anglo-Canadiens, la libération de Caen n’a jamais été aussi proche.
Le lendemain à l’aube, le 9 juillet 1944, les premières patrouilles de combat alliées progressent dans les ruines de la partie nord de Caen. L’aérodrome de Carpiquet est enfin tombé aux mains des soldats Canadiens et en fin de matinée, les forces anglo-canadiennes accèdent dans leur ensemble aux secteurs nord de la capitale normande. De durs combats s’engagent pour la conquête des quelques ponts restés encore debout au-dessus de la rivière Orne.
Les troupes anglo-canadiennes sont-elles aussi handicapées par les ruines de Caen qui empêchent tout mouvement ou toute relance de l’offensive. Ainsi s’achève l’opération Charnwood, dans une ville coupée en deux et presqu’entièrement détruite.
Mais les Alliés ne sont pas encore assurés de tenir la tête de pont qu’ils ont installé dans Caen. Ils doivent encore s’emparer de la cote 112, un point haut particulièrement important à l’ouest de la ville et qui domine une bonne partie de la région. Les Britanniques lancent le 10 juillet 1944 l’opération Jupiter pour s’en emparer, ce qu’ils ne parviennent pas à faire. Néanmoins, ils en chassent les Allemands et transforment ce mouvement de terrain en un « no man’s land » ratissé par les bombes et qui ne profite ni aux uns ni aux autres. Les Anglo-Canadiens s’assurent ainsi une couverture face à l’un des points caractéristiques du terrain et à partir duquel les Allemands auraient pu lancer une contre-attaque visant à chasser les Alliés de la partie nord de Caen.
Ce même jour, le drapeau français est hissé dans la ville de Caen alors même que les opérations de déminage et de dégagement des axes continuent. Le 13 juillet, place Saint-Martin, une cérémonie militaire a lieu en présence des soldats alliés, des résistants et de la population de Caen qui a énormément souffert des combats.
Les conséquences de Charnwood
Les Allemands réorganisent à partir de ce moment leurs défenses au sud de Caen, dans la région de Bourguébus. Toutes les réserves sont déployées par Rommel dans le secteur tenu par les Anglo-Canadiens, libérant ainsi les Américains de cette menace qui pesait sur eux : le général Omar Bradley en profite alors pour accélérer les plans de la percée (opération Cobra).
La réorganisation des défenses allemandes au sud de Caen correspond aux intentions stratégiques alliées qui souhaitent accéder aux plaines ouvertes du sud de la ville pour mener un combat plus rapide sur des surfaces plus étendues. De plus, les pertes allemandes sont considérables et l’engagement de toutes les réserves marque la fin pour les unités des remplacements sur la ligne de front. Désormais, les Allemands doivent quasiment combattre sans arrêt, ce qui n’est pas le cas des troupes alliées.
Le bombardement de Caen, qui est rappelons le l’un des plus importants de la bataille de Normandie, a eu des conséquences particulièrement terribles sur la population de la ville. Les estimations des pertes s’élèvent à près de 400 civils tués. C’est sans compter les centaines de blessés et les décès indirects liés aux maladies déclarées après les bombardements. Malgré tout, les survivants ont accueilli les Anglo-Canadiens comme des libérateurs. Pour les Normands, dont l’héroïsme n’est que trop peu mis en avant, tout est à reconstruire. Leur liberté est à ce prix, celui du sang.
Les Alliés ont perdu 3 817 soldats lors de l’opération Charnwood, ainsi que près de 80 chars. Les Allemands, en position favorable car en situation de défense ferme sur un terrain qu’ils avaient eu le temps de valoriser, ont perdu tout de même plus de 2 000 soldats et 32 chars.
Caen n’est toujours pas entièrement aux mains des Alliés. Il faut attendre deux nouvelles opérations pour que les Anglo-Canadiens s’emparent de la totalité de la ville, à savoir Goodwood et Atlantique, qui ont lieu le 18 juillet 1944.
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