Opération Goodwood

18-20 juillet 1944

Image : Artilleurs britanniques à Cagny en juillet 1944

Artilleurs britanniques à Cagny en juillet 1944

Le plus grand rassemblement de blindés

A la mi-juillet 1944, la ville de Caen n’est toujours pas tombée aux mains des Alliés, alors qu’elle devait être libérée au soir du Jour J. Les Allemands massent d’importants renforts dans cette région, notamment des unités blindés, ce qui n’est pas sans inquiéter les Britanniques. Ces derniers souhaitent mettre sur pied une offensive leur permettant de percer les lignes allemandes et de dégager leur tête de pont bloquée depuis le 6 juin 1944. Dans le même temps, les Américains préparent l’opération cobra au sud du Cotentin prévue pour le 20 juillet 1944 : l’offensive Goodwood pourrait attirer les renforts allemands dans le secteur de Caen et laisser le champ relativement libre aux forces américaines.

Cette ambitieuse opération, mise au point le 13 juillet 1944 par le général Dempsey et approuvée par le général Montgomery, vise à contourner Caen par l’est pour atteindre la région sud composée de vastes plaines céréalières, un terrain favorable aux opérations blindées, pour couper les axes de ravitaillement allemands. A cet effet, les Anglo-Canadiens rassemblent une quantité impressionnante de blindés : près de 1 300 chars, appartenant aux trois divisions blindées de la seconde armée du général Dempsey, soit le plus important rassemblement de blindés de toute la bataille de Normandie et de l’ensemble de la campagne d’Europe de l’ouest.

L’assaut, dont les objectifs sont le pont et les hauteurs de Bourguébus, est prévu pour le 18 juillet 1944 et est mené par le 8ème corps de la deuxième armée britannique. Les forces canadiennes couvrent le flanc droit (leur action correspond aux plans de l’opération Atlantic, intégrée à l’opération Goodwood) tandis que la 3e division d’infanterie britannique est disposée à l’est du 8ème corps. Au départ de la progression, les blindés doivent traverser les ponts sur l’Orne et engager la bataille, ce qui est rend immédiatement la situation tactique alliée problématique. Les objectifs de la 11ème division blindée sont Bras, Hubert-Folie, Verrières, et Fontenay. La 7ème division blindée doit atteindre Garcelles-Secqueville tandis que les Guards doivent attaquer entre Cagny et Vimont.

De leur côté, les services de renseignement allemands avertissent les unités situées dans la région de Caen qu’une attaque britannique est en cours de préparation, qui devrait contourner la ville par l’est et se diriger vers Paris. Les deux divisions blindées du secteur, la 12e S.S. Panzerdivision et la 21e Panzerdivision, se préparent à la possibilité d’une attaque et surveillent d’éventuels signes leur indiquant les préparations adverses.

Lancement de l’opération Goodwood

Opération Goodwood

Plan de l’opération Goodwood et d’Atlantic.

L’attaque terrestre est précédée d’un bombardement aérien massif : plus de 7 800 tonnes de bombes sont larguées par 2 077 appareils alliés. Cette tactique du tapis de bombes (« carpet bombing » en anglais) vise à déloger les Allemands de leurs puissantes positions défensives et à les désorganiser. Par ailleurs, l’impact d’un tel bombardement est positif sur les troupes se préparant à l’assaut. L’artillerie navale et l’artillerie terrestre prennent le relais de l’aviation et tirent près de 250 000 obus, ciblés dans une vaste région située entre la partie est de Caen et le village de Troarn, soit un corridor long d’environ quinze kilomètres et large de quatre kilomètres. La répartition des secteurs de bombardement s’effectue de la manière suivante : la rive est de Caen porte le code « A », le périmètre Cuverville – Giberville-Démouville – Mandeville est divisé en cinq parties codées successivement de « C » à « G », la zone entre Sannerville et Emiéville est codée « H », les environs de Cagny sont codés « M » et le périmètre Bourguébus – Hubert-Folie – Grentheville est codé « P ».

Image : Plan et déroulement de l'opération Goodwood du 18 au 21 juillet 1944 Plan et déroulement de l’opération Goodwood du 18 au 21 juillet 1944.

Les troupes alliées se mettent immédiatement en route : en réaction, les Allemands mettent en place un dense contre-barrage d’artillerie alors que les blindés britanniques sont ralentis par les trois goulots d’étranglement situés au niveau des trois ponts sur l’Orne. En plus de cette difficulté initiale vient s’ajouter l’importante présence de mines dans le secteur, posées aussi bien par les Allemands que par les Alliés : dans la précipitation de ces installations, peu de relevés ont été établis par les Britanniques ce qui ralenti fortement la progression de la 11e division blindée. Quant aux Allemands, ils tiennent fermement la zone conformément à leurs ordres et chaque village, chaque ferme, chaque hameau est défendu.

Les combats au sud-ouest de Caen dans les environs de Louvigny sont acharnés entre les Canadiens et les 12e et 21e S.S. Panzer divisions rattachées au Panzergruppe ouest commandé par Eberbach. Ce petit village, perdu la veille par les Alliés, est repris le 18 juillet lors d’une vaste attaque menée par le régiment royal du Canada appuyée par l’artillerie de campagne et navale.

Le 2e Northamptonshire Yeomanry, appuyé par les chars de la 29e brigade appartenant à la 11e division blindée britannique, progressent à leur tour en direction des villages de Cuverville, Giberville et de Démouville, sévèrement bombardés le matin du 18 juillet et défendus par la 16e Luftwaffe Feld Division qui se replie peu après les bombardements, abandonnant le village de Cuverville aux troupes alliées et se positionnant au sud-ouest de la localité de Saint-Pair. Le 3e Royal Tank Regiment libère les villages de Touffréville et de Sannerville, situés au sud de la localité de Escoville, elle-même libérée dans les premières heures de l’opération Goodwood. La première ligne de défense allemande est enfoncée, et les Britanniques progressent sur près de six kilomètres en direction de Cagny.

Le Major von Luck, commandant la 21e Panzer Division, est conscient de la faible résistance des chars britanniques face aux canons allemands de 88 mm et aux chars Tigre et Panther. Il regroupe alors cinq de ses pièces d’artillerie et un char Tigre sur la hauteur du village de Cagny, qui devient une place forte de la résistance allemande au sud-ouest de Caen : près de 16 chars anglais sont détruits en quelques minutes et la progression est fortement ralentie.

Mais les Britanniques n’abandonnent pas la partie pour autant, la division blindée de l’Irish Guard attaque Cagny de front alors que la 5e brigade de la division blindée des Guards fonce en direction des villages à l’est de Cagny, vers Emiéville et Guillerville. C’est l’un des plus l’un des plus importants combats de blindés de toute la bataille de Normandie. Une fois de plus, les chars Tigre allemands du bataillon blindé 503 montrent leur supériorité et repoussent l’attaque britannique. Les Irlandais de l’Irish Guard parviennent tout de même à percer les défenses allemandes du fait de leur supériorité numérique et du bombardement de l’artillerie britannique et ils libèrent le village de Cagny, après avoir réduit au silence les positions d’artillerie qui y étaient installées et défendues par les hommes de la 21e S.S. Panzer division.

En fin de journée, les Britanniques ont perdu 1 500 soldats 270 chars et, ils n’ont progressé que de 7 kilomètres. Toute la plaine au sud-est de Caen est enfin libérée. La ville de Caen est elle-même entièrement libérée, plus d’un mois après la date prévue en mai 1944 par les Alliés.

Image : Progression alliée du 18 au 21 juillet 1944 Progression alliée du 18 au 21 juillet 1944.

19 juillet 1944

Le principal point de résistance allemande du 18 juillet, situé à Cagny, est tombé et à présent, l’effort des Allemands se porte dans les environs des villages de Guillerville (aujourd’hui Banneville-la-Campagne) et d’Emiéville, au sud-est du Caen, défendus par le 21e S.S. Panzer division et les survivants de la 16e Luftwaffe Felddivision.

Les Canadiens de la 2e division d’infanterie, au sud de Caen, combattent les survivants de la 272e division d’infanterie allemande, en grande partie décimée pendant le choc de la veille, qui résistent toujours au sud du village de Saint-Martin-de-Fontenay. La 11e division blindée anglaise progresse quant à elle le long de la route Caen-Falaise et combat les troupes de la 1ère S.S. Panzer division. La position stratégique de Bourguébus est enfin atteinte par la 7e division blindée britannique après de violents bombardements. Les Anglo-Canadiens perdent, une fois encore, une centaine de chars en une seule journée, notamment à cause de la supériorité sur le terrain du char allemand Tigre.

Le retour de la pluie

Les Britanniques repoussent plusieurs attaques allemandes de la 21e Panzer Division au nord et à l’est des villages d’Emiéville et de Guillerville. Le temps est de plus en plus mauvais en Normandie : des orages pluvieux font leur apparition et les forces alliées n’avancent plus dans la plaine sud de Caen.

L’opération Goodwood s’est brusquement arrêtée et les défenseurs allemands, s’ils ont été déboussolés le 18 juillet lors des bombardements et du début de l’offensive anglo-canadienne, sont à présent bien préparés à ne plus lâcher un pouce de terrain aux Alliés. Ils infligent d’ailleurs une perte de plus de 100 chars aux Britanniques le 20 juillet qui ont déjà perdu en trois jours près de 400 blindés.

Conclusion et controverses de Goodwood

L’opération Goodwood se termine au sud-ouest de Caen et les Britanniques n’ont progressé que de 11 kilomètres alors que plusieurs milliers de tonnes de bombes ont été envoyées sur les positions allemandes.

3 600 hommes et 469 chars alliés sont mis hors de combat et la ville de Falaise, qui était un des objectifs de l’offensive Goodwood, est loin d’être atteinte. Cependant, malgré les rapports peu encourageants, le général Montgomery affiche sa satisfaction. Les Allemands ont envoyé de nombreux chars au sud-est de Caen, permettant ainsi aux forces américaines, à l’ouest, de percer vers le sud dans les jours qui suivent.

Une controverse existe au sujet de l’opération Goodwood : son objectif était-il simplement d’empêcher les chars allemands de contre-attaquer après l’offensive américaine Cobra ou s’agissait-il plutôt de percer définitivement le front bloqué de la région de Caen pour mettre un terme à la campagne de Normandie ? Cette hypothèse est recevable dans la mesure où les moyens engagés ont trompé les services de renseignements allemands qui voyaient dans cette offensive une tentative de percée vers Paris. Dans tous les cas, le fait que les moyens de leurs adversaires se soient focalisés sur Caen est une victoire tactique pour les Alliés.

De multiples raisons non avouées peuvent avoir motivé cette offensive, coûteuse en vies humaines et en matériel. L’une d’entre elles est la nécessité pour Montgomery de répondre aux critiques des aviateurs américains concernant la progression britannique en Normandie. Cette dernière, jugée trop lente, ne permettait pas en effet de construire de nouveaux aérodromes pour les pilotes alliés et il devenait urgent de percer vers le sud pour en augmenter leur nombre, notamment dans la région de la plaine de Caen, très propice à leur installation.

Mais il est bien clair que si les Britanniques et les Canadiens avaient pu mettre un point final à la bataille de Normandie pendant l’opération Goodwood, ils ne se seraient pas privés. Car c’est bien là la finalité de la plupart des offensives pendant une guerre (mises à part les opérations de déception) : parvenir à renverser définitivement la situation en sa faveur. Goodwood n’aura pas été l’élément décisif, mais y aura participé malgré de très lourdes pertes.

Auteur : Marc Laurenceau – Reproduction soumise à l’autorisation de l’auteur – Contact Webmaster