Les objectifs de l’opération Atlantic
La ville de Caen est un des objectifs majeurs des armées britanniques engagées en Normandie. De durs combats s’engagent dès le 6 juin au soir pour la conquête de cette ville qui devait justement tomber aux mains des Alliés le Jour J, conformément aux plans initialement prévus. Le général anglais Montgomery concentre ses efforts et décide de mettre sur pied plusieurs opérations afin de conquérir Caen, notamment l’opération Perch (7 juin 1944), l’opération Epsom (26 juin 1944) et l’opération Windsor (4 juillet 1944). Après l’opération Charnwood (7 juillet 1944), les Anglo-Canadiens contrôlent la moitié nord de la ville mais la situation est très précaire.
Les Alliés cherchent à exploiter les efforts des semaines précédentes et ainsi, ils souhaitent mettre sur pied une nouvelle offensive visant à chasser les défenseurs allemands de la partie sud de Caen. Ces derniers occupent de plus le secteur de l’usine de Colombelles qui offre une vue imprenable à leurs observateurs d’artillerie. Dans le même temps, les Américains préparent l’opération cobra au sud du Cotentin prévue pour le 20 juillet 1944 : une nouvelle offensive anglo-canadienne pourrait fixer les renforts allemands dans le secteur de Caen et laisser le champ relativement libre aux forces américaines.
Cette ambitieuse opération, mise au point le 13 juillet 1944 par le général Dempsey et approuvée le 15 juillet par le général Montgomery, vise à contourner Caen par l’est pour atteindre la région sud composée de vastes plaines céréalières, un terrain favorable aux opérations blindées, pour couper les axes de ravitaillement allemands. L’opération dans son ensemble se nomme Goodwood et la partie concernant les forces canadiennes (2ème corps) est appelée opération Atlantic.
A cet effet, les Anglo-Canadiens rassemblent une quantité impressionnante de blindés : près de 1 300 chars, appartenant aux trois divisions blindées de la seconde armée du général Dempsey, soit le plus important rassemblement de blindés de toute la bataille de Normandie et de l’ensemble de la campagne d’Europe de l’ouest. Les Canadiens du 2ème corps, commandé par le général Guy Simonds, ont pour mission, dans le cadre de l’opération Atlantic, de libérer Colombelles ainsi que la partie sud de Caen et ils doivent être en mesure de s’emparer de la région de Verrières. Le 2ème corps se compose notamment des 2ème et 3ème divisions d’infanterie qui doivent mener l’offensive, respectivement en direction de Vaucelles et de Colombelles, dans les faubourgs de Caen.
De leur côté, les services de renseignement allemands avertissent les unités situées dans la région de Caen qu’une attaque anglo-canadienne est en cours de préparation, qui devrait contourner la ville par l’est et se diriger vers Paris. Les deux divisions blindées du secteur, la 12ème S.S. Panzerdivision et la 21ème Panzerdivision, renforcées par le Schwere Panzer-Abteilung 503, se préparent à la possibilité d’une attaque et surveillent d’éventuels signes leur indiquant les préparations adverses.
Déroulement de l’opération Atlantic
Le 18 juillet 1944, l’opération Goodwood est lancée et les canadiens débutent l’opération Atlantic le même jour. L’offensive est précédée par un bombardement aérien massif : plus de 7 800 tonnes de bombes sont larguées par 2 077 appareils alliés. Cette tactique du tapis de bombes (« carpet bombing » en anglais) vise à déloger les Allemands de leurs puissantes positions défensives et à les désorganiser. Par ailleurs, l’impact d’un tel bombardement est positif sur les troupes se préparant à l’assaut. L’artillerie navale et l’artillerie terrestre prennent le relais de l’aviation et tirent près de 250 000 obus, ciblés dans une vaste région située entre la partie est de Caen et le village de Troarn, soit un corridor long d’environ quinze kilomètres et large de quatre kilomètres.
Les troupes canadiennes se mettent immédiatement en route : en réaction, les Allemands mettent en place un dense contre-barrage d’artillerie alors que les blindés britanniques sont ralentis par les trois goulots d’étranglement situés au niveau des trois ponts sur l’Orne. En plus de cette difficulté initiale vient s’ajouter l’importante présence de mines dans le secteur, posées aussi bien par les Allemands que par les Alliés : dans la précipitation de ces installations, peu de relevés ont été établis par les Anglo-Canadiens ce qui ralenti fortement la progression de la 11ème division blindée. Quant aux Allemands, ils tiennent fermement la zone conformément à leurs ordres et chaque village, chaque ferme, chaque hameau est défendu.
Les combats au sud-ouest de Caen dans les environs de Louvigny sont acharnés entre les Canadiens et les 12ème et 21ème S.S. Panzer divisions rattachées au Panzergruppe ouest commandé par Eberbach. Ce petit village, perdu la veille par les Alliés, est repris le 18 juillet lors d’une vaste attaque menée par le régiment royal du Canada de la 2ème division d’infanterie appuyée par l’artillerie de campagne et l’artillerie navale. Les rivières Orne et Odon sont franchies et deux têtes de pont sont installées respectivement à Louvigny et à Vaucelles en milieu d’après-midi.
La 3ème division d’infanterie infiltre quant à elle le secteur industriel de la société métallurgique de Normandie dans la cité ouvrière de Colombelles où elle livre de nouveaux combats. A la tombée de la nuit, les Canadiens creusent des abris individuels pour se protéger des bombardements qui ne cessent de harceler leurs rangs et attendent une éventuelle contre-attaque allemande. Les 4ème et 6ème brigades d’infanterie se tiennent prêtes à partir sur ordre en reconnaissance en direction de la crête de Verrières.
Au soir du 18 juillet, les Allemands se sont rétablis sur une nouvelle ligne de défense et tiennent toujours la crête de Bourguébus, au sud-est des positions canadiennes. Le lendemain matin, la 2ème division d’infanterie progresse jusqu’à la crête de Verrières où elle est stoppée dans son élan par la résistance acharnée de la 9ème S.S. Panzerdivision « Hohenstaufen » et de la 272ème division d’infanterie. Mais les villages de Cormelles-le-Royal, Fleury et Louvigny sont définitivement libérés par les Canadiens.
Les combats des crêtes de Verrières
Le 20 juillet 1944, alors que la pluie tombe à nouveau en Normandie, le South Saskatchewan Regiment, appuyé par le Queen’s Own Cameron Highlanders of Canada et le Sherbrooke Hussars, se lance à l’assaut des crêtes de Verrières qui dominent la plaine au sud de Caen. Les Typhoon alliés qui devaient apporter également leur soutien sont cloués au sol en raison des mauvaises conditions météorologiques.
Les Allemands défendent avec acharnement le village de Saint-André-sur-Orne et les deux divisions allemandes (12ème et 21ème S.S. Panzer divisions) contre-attaquent immédiatement après l’assaut canadien : les Alliés doivent se replier au-delà de leur ligne de déboucher et l’Essex Scottish Regiment, qui se tenait en réserve, perd près de 300 hommes. Aux dernières heures du jour, les soldats s’enterrent et s’apprêtent à tenir leurs positions.
Il devient urgent pour les Alliés de consolider leurs lignes afin d’éviter de perdre le précieux terrain conquis les jours précédant. Le 21 juillet 1944, le général Simonds déploie le Black Watch of Canada (Royal Highland Regiment) et le Calgary Highlanders pour renforcer ses positions dans le secteur de Verrières. Malgré de très lourdes pertes, les Canadiens résistent et empêchent les contre-attaques allemandes d’aboutir. Le front est momentanément stabilisé, marquant ainsi la fin de l’opération Atlantic.
Bilan de l’opération Atlantic
Les pertes canadiennes sont très élevées : 1 349 soldats sont mis hors de combat pendant toute la durée de l’opération Atlantic, essentiellement des personnels des 4ème et 6ème brigades d’infanterie. Verrières et ses crêtes sont toujours aux mains des Allemands, qui valorisent à nouveau leurs positions défensives. Leurs pertes sont inconnues.
Néanmoins, la rive sud de la ville de Caen est enfin aux mains des Alliés, plus d’un mois après le débarquement. Si les Anglo-Canadiens ne sont pas parvenus à contrôler une plus importante portion de terrain au sud de la capitale normande, l’offensive Atlantic, dans le cadre de l’opération Goodwood, a focalisé les attentions allemandes et fixé plusieurs éléments de réserve dans cette région. Les Américains, qui lancent l’opération Cobra à partir du 25 juillet 1944, voient la pression allemande pesant sur eux diminuer fortement, ce qui représente une réelle victoire stratégique.