Opération Windsor
4 – 5 juillet 1944
A l’origine de l’opération Windsor
Un mois après le Jour J, les forces anglo-canadiennes sont toujours fixées au nord de Caen. La capitale du Calvados, qui devait tomber dans les mains des Alliés dès le 6 juin 1944 au soir, n’en demeure pas moins un objectif essentiel et de nouvelles offensives visant à faire partir les Allemands de la ville se préparent au début du mois de juillet 1944. Dans la périphérie ouest de Caen, à 24 kilomètres de la côte, se trouvent la commune de Carpiquet et son précieux aérodrome : c’est un premier point à atteindre pour les Alliés qui à cet effet décident de mettre sur pied l’opération nom de code Windsor. Cette offensive était initialement prévue dans le cadre de l’opération Epsom sous l’appellation « opération Ottawa », mais qui a été repoussée avant d’être rebaptisée Windsor.
Vue aérienne de l’aérodrome de Carpiquet, massivement bombardé. Photo : IWM |
Les troupes canadiennes de la 3ème division d’infanterie aux ordres du général Rod Keller forment le fer de lance de cette offensive qui débute le 4 juillet 1944. Elles se composent du Queen’s Own Rifles of Canada, du régiment de la Chaudière et du North Shore (New Brunswick) Regiment appartenant à la 8ème brigade d’infanterie ainsi que du Royal Winnipeg Rifles de la 7ème brigade d’infanterie. Les appuis sont fournis par le 10ème régiment blindé du Fort Gary Horse, le Sherbrooke Fusiliers ainsi que le bataillon d’appui des Cameron Highlanders. Deux escadrilles sur Typhoon et trois escadrons de la 79ème division blindée anglaise sont également déployés.
Vue aérienne des hangars de l’aérodrome de Carpiquet et des effets des bombardements. Photo : IWM |
Les Allemands sont retranchés sur des positions défensives qu’ils ont pu aménager depuis plusieurs jours malgré la continuité des bombardements alliés : ils sont environ une cinquantaine dans la commune de Carpiquet et appartiennent aux 26ème S.S. Panzergrenadier Regiment et 12ème S.S. Panzer Regiment de la 12ème division S.S. Panzer « Hitlerjugend » commandée par Kurt Meyer. Quinze chars allemands sont installés en défensive dans le secteur de l’aérodrome, ainsi que des pièces d’artillerie de 88 mm. Ces derniers bénéficient d’un terrain largement favorable à la défense et les pistes d’aviation sont ceinturées par un découvert de 1900 mètres de long. Des champs de mines, des réseaux de barbelés et des positions de mitrailleuses viennent compléter ce dispositif.
Déroulement de l’opération Windsor
L’opération Windsor est précédée par une importante préparation d’artillerie délivrée par les 21 batteries de campagne composées de 248 tubes de différents calibres ainsi que les pièces de 408 mm et 380 mm embarquées à bord des cuirassés britanniques HMS Rodney et HMS Roberts dans Manche. Une première attaque de déception menée par le Royal Winnipeg est lancée le 4 juillet à cinq heures du matin en direction des hangars d’aviation de l’aérodrome. Au même moment, les Canadiens du régiment de La Chaudière et du North Shore (8th Infantry Brigade) montent à l’assaut de la commune de Carpiquet. Les chars du Sherbooke Fusiliers (27th Armored Brigade) parviennent à traverser les champs de mines au nord de Carpiquet mais se heurtent à une farouche défense de la part des soldats S.S. qui prennent également sous leur feu le North Shore Regiment. Les Canadiens, appuyés par les chars du 10ème régiment blindé Fort Garry Horse (27th Armored Brigade), entrent dans Carpiquet à 06h32 où de violents combats de rues débutent contre les S.S. de la 12. S.S. Panzer-Division. Peu après 08h30, les Alliés s’emparent de la commune et se concentrent ensuite leurs efforts sur l’aérodrome.
Mitrailleuse des Cameron Highlanders of Canada en action près de Carpiquet le 4 juillet 1944. Photo : IWM |
Le Royal Winnipeg Rifles relance son offensive qui cette fois vise bien à s’emparer des hangars et des pistes d’aviation, mais les Canadiens doivent franchir le grand découvert qui les sépare des positions allemandes. Ils subissent de lourdes pertes : plusieurs chars Sherman sont détruits et, alors qu’ils sont à mi-chemin des hangars, les Canadiens se replient vers leur point de départ. Aucun compte-rendu ne remonte vers le général Keller qui est persuadé que tout fonctionne conformément au plan initialement prévu : le front forme un saillant qui est défavorable aux Alliés, mais les Allemands restent en position défensive et n’exploitent pas le repli temporaire des Canadiens.
Un prisonnier allemand est surveillé par Léon Marcoux le 4 juillet 1944 près de Carpiquet. Photo : IWM |
Dans Carpiquet, les hommes de la 8ème brigade d’infanterie installent leurs positions défensives en prévision d’éventuelles contre-attaques adverses. Ils sont situés à 1600 mètres des premières habitations de Caen et représentent une menace très importante pour les forces allemandes : ces dernières ont concentré leur défense au nord de la capitale du Calvados et la présence des soldats Canadiens sur leur flanc gauche leur est largement défavorable. Les forces anglo-canadiennes sont susceptibles d’utiliser leur tête de pont excentrée de Carpiquet pour faire tomber les lignes de défense allemandes.
Des blessés du régiment de La Chaudière sont évacués de Carpiquet le 4 juillet 1944. Photo: IWM |
En début d’après-midi, le Royal Winnipeg relance son offensive en direction de l’aérodrome, appuyé cette fois par deux escadrilles d’appareils Typhoon qui partent en chasse des blindés et canons allemands. Ils parviennent à atteindre les hangars au nord de l’aérodrome mais les S.S. de la 12ème Panzer ne plient pas et lancent plusieurs contre-attaques avec leurs chars depuis les hangars au sud : à nouveau, les Canadiens sont obligés de se replier sur leur point de départ malgré l’intervention de leur aviation. Les Alliés ont perdu treize chars pendant cette première journée de l’opération Windsor.
Dans la nuit du 4 au 5 juillet 1944, Kurt Meyer prépare la contre-offensive allemande visant à reprendre la commune de Carpiquet, essentielle selon lui à la défense de Caen. Ses troupes se tiennent prêtes à percer la ligne de front depuis le village de Francqueville et elles rassemblent tous les appuis nécessaires en blindés, artillerie, mortiers, mitrailleuses lourdes. Peu après minuit, le 5 juillet, la contre-attaque débute. La défense de Carpiquet tient bon contre cette offensive allemande : les combats se prolongent tout au long de la nuit et jusqu’à l’aube. Les Allemands lancent pas moins de trois attaques qui se solderont toutes par un échec et leurs pertes sont élevées. Ils maintiennent la pression malgré tout par des tirs de mortiers et de lance-roquettes pendant la journée, mais les défenses canadiennes tiennent bon.
Les effets des bombardements sur les installations de l’aérodrome de Carpiquet. Photo: IWM |
Toute la nuit suivante, les Allemands renouvellent leur offensive face au régiment du North Shore avec le soutien de leur artillerie. Les Canadiens, une fois de plus, ne reculent pas et leurs adversaires sont fixés par de puissants tirs. A l’aube du 6 juillet 1944 les soldats S.S. appuyés par des chars lancent une large offensive contre les positions tenues par le régiment de La Chaudière. L’infanterie canadienne doit se replier en attendant l’appui salvateur des chars Sherman qui lui permet de retrouver sa ligne de défense initiale.
L’aérodrome tombe entièrement et définitivement aux mains des Canadiens le dimanche 9 juillet 1944 suite à l’opération Charnwood (lancée depuis la veille par la 3ème division d’infanterie canadienne) visant à prendre le contrôle de Caen par le nord et l’ouest. Suite à un bombardement massif mené par 450 appareils de la Royal Air Force, le régiment de La Chaudière s’empare des derniers hangars au sud de l’aérodrome tandis que les fantassins du Queen’s Own Rifles of Canada se rendent maîtres des casernes.
Des officiers préparent la suite des opérations le 8 juillet près de Carpiquet. Photo: IWM |
Bilan et conséquences de l’opération Windsor
L’opération Windsor est extrêmement coûteuse en vies humaines et en matériel, comme la plupart des combats de la périphérie de Caen. Au total, 127 Canadiens sont tués, 250 autres sont blessés. Le 10ème régiment de cavalerie canadien perd 17 chars. Pour les Canadiens, une grande partie des pertes est enregistrée le 4 juillet, au début de l’offensive. Les Allemands perdent 155 personnels, un nombre qui comprend aussi bien les morts que les blessés et disparus.
Le 12 juillet 1944, les Canadiens sont en briefing à proximité des hangars de l’aérodrome. Photo: IWM |
L’opération en elle-même n’a pas abouti à la prise de l’aérodrome : il faut attendre la nouvelle offensive de l’opération Charnwood à partir du 8 juillet 1944 pour y parvenir. Cependant, l’évolution du front apportée par Windsor a permis aux Alliés de faire peser une menace prépondérante sur la ville de Caen depuis l’ouest et ainsi contraindre les Allemands d’adopter un nouveau dispositif de défense. La perte de terrain, les multiples et coûteuses contre-attaques du 4 au 9 juillet 1944 contraignent les Allemands à douter un peu plus sur leurs chances dans la défense de Caen face au rouleau compresseur allié. L’opération Windsor est un pas en avant sérieux vers la libération de Caen, payé au prix fort par les Canadiens.
Les hangars de l’aérodrome de Carpiquet. Photo: IWM |
Les sapeurs du 24th Airfield Construction Group installent une piste recouverte de plaques PSP croisée avec la piste cimentée qui doit être réparée. Les travaux de l’aérodrome codé ALG B-17 par les Alliés se terminent le 8 août 1944.