Élargissement de la tête de pont en Normandie – 2/3
Jour-J + 1 à Jour-J + 12 – Du 7 au 18 juin 1944
- Les forces alliées effectuent leur jonction
Le front entre l’Orne et la Vire progresse très rapidement vers le sud et l’activité aérienne alliée est si intense que les Allemands ont surnommé ce front « Jaborennstecke » (« le couloir des Jabos », « Jabos » étant le surnom donné aux avions de chasse alliés).
En soirée du 7 juin, les troupes parachutées et débarquées sont prêtes à faire la jonction dans le Cotentin, mais toutes les unités parachutées n’ont pas encore rejoint leurs propres compagnies.
Eisenhower, Bradley et Montgomery se réunissent sur un destroyer au large des côtes normandes pour discuter de la situation sur le front, Bradley représentant les troupes américaines et Montgomery l’ensemble des forces terrestres : le 8 juin, les Américains ont percé depuis Omaha sur près de dix kilomètres de profondeur et ont rejoint les troupes britanniques à Port-en-Bessin venant de Gold Beach.
La 352e division d’infanterie allemande, qui a tenu tête aux 1ère et 29e divisions américaines entre Vierville-sur-Mer et Colleville-sur-Mer, a été fortement affaiblie par les combats, et les Alliés poursuivent l’offensive pour la mettre définitivement hors de combat, tout en sécurisant le secteur d’Omaha.
- Les renforts allemands retardés
Toujours le 8 juin, des divisions allemandes en provenance de Bretagne commencent à arriver en Normandie : il s’agit de la 3e division parachutiste de Brest, la 77e division de Saint-Malo et la 353e division de Morlaix. Assiégées par l’aviation alliée et la résistance française (conseillée par les parachutistes des missions Jedburgh sur les destructions à effectuer), certaines unités allemandes mettent un temps considérable à rejoindre la Normandie : la 17. SS Panzergrenadier-Division, mise en état d’alerte à Poitiers le 6 juin, n’arrive dans la région de Caumont avec ses premiers éléments que le 11 juin.
Au sud de Bayeux, un char Sherman britannique de la 50e division d’infanterie devant un Panzer détruit. Photo : IWM
Ce retard signifie que les divisions allemandes n’ont pas eu le temps de se regrouper avant d’être lancées dans la bataille. En conséquence, elles sont déployées dès leur arrivée et ne sont pas assez nombreuses pour inquiéter la masse impressionnante des Alliés. Par exemple, la 9e S.S. Panzerdivision Frundsberg et la 10e S.S. Panzerdivision Hohenstaufen du 2e S.S. Panzerkorps en provenance de Pologne mettent plus de temps à traverser la France qu’il ne leur en a fallu pour atteindre le Rhin depuis le front russe. Ces unités arrivent au fur et à mesure en Normandie à compter du 25 juillet.
Le retard le plus impressionnant est celui de la 2. S.S. Panzerdivision Das Reich, commandée par le S.S. Obergruppenführer Lammerding, qui part le 6 juin au soir et n’atteint Noyers-Bocage au sud de Caen avec ses premiers éléments que le 28 juin, soit 22 jours plus tard.
Des soldats allemands sont soignés par des soldats britanniques de la 50e division d’infanterie, le 14 juin 1944. Photo : IWM
Depuis le 6 juin, les Alliés ont installé des aérodromes en Normandie pour évacuer les grands blessés, acheminer le matériel de première nécessité et lancer des attaques en profondeur en France. Cliquez ici pour voir la liste des aérodromes de Normandie.
Eisenhower et Bradley (ce dernier ayant installé son poste de commandement à la Pointe du Hoc le 9 juin) conviennent d’accélérer la jonction entre les soldats américains en provenance d’Omaha et ceux d’Utah afin de permettre la percée vers Cherbourg et son inestimable port en eau profonde. Bradley retrouve ensuite Montgomery dans la ville de Port-en-Bessin, Ce village voit la mise en place de l’opération « Pluto », un point centralisé de récupération de carburant qui relie l’Angleterre et la France et fournit aux Alliés une grande quantité de carburant.
Les Allemands, qui résistent avec acharnement aux forces de débarquement, n’ont d’autre choix que de battre en retraite. Pourtant, les ordres d’Hitler du 10 juin sont clairs : « chaque homme doit se battre et tomber là où il se trouve ».
Le 12 juin, la 1ère division d’infanterie américaine, qui a débarqué à Omaha le 6 juin en subissant de très lourdes pertes, attaque vers les hauteurs de Caumont, à 30 kilomètres au sud de la plage.
Les Britanniques attaquent vers Villers-Bocage, sur la route de Caen à Vire, mais sont repoussés lors d’une violente contre-attaque menée par les premiers chars allemands Tiger apparus en Normandie au sein du schwere S.S. Panzerbataillon 101, commandé par le S.S. Obersturmführer Michael Wittmann, qui fonce sur une colonne de blindés britanniques et les détruit un par un. La supériorité des chars allemands est incontestable : les rapports sur les pertes des blindés indiquent qu’il faut en moyenne cinq chars Sherman ou dix chars Cromwell pour venir à bout d’un Tigre.
Heureusement pour les Alliés, ils sont les maîtres du ciel et leur omniprésence terrifie les troupes allemandes, qu’elles soient en mouvement ou non. Le 12 juin, tandis que les soldats américains de la 1ère division d’infanterie s’emparent de Caumont, le commandant du 84e corps, le général Marcks, est tué par un raid aérien allié alors qu’il se déplace en voiture.
Rue Holgate à Carentan, utilisée par les véhicules et les soldats américains. Photo : US National Archives
La ville de Carentan est un objectif prioritaire pour les Alliés. Elle permet de relier le Cotentin et le Calvados, où convergent plusieurs grands axes routiers et un réseau ferroviaire. Les blindés en provenance de l’Utah doivent rejoindre les unités débarquées à Omaha par Carentan avant de percer vers le sud de la Normandie. Attaquée de flanc par les parachutistes de la 101e division aéroportée américaine, la ville tombe le 12 juin et les contre-attaques allemandes pour la reprendre sont repoussées : le point de jonction de toutes les forces alliées est atteint. La tête de pont représente alors près de 80 kilomètres de long, de Ouistreham jusqu’à Sainte-Mère-Eglise, et de 10 à 30 kilomètres de profondeur par endroits.
Soldats de la 101e division aéroportée dans la rue Holgate à Carentan. Photo : US National Archives
Mais les généraux allemands qui combattent en Normandie sont convaincus qu’un repli stratégique est nécessaire pour regrouper des forces plus importantes avant de lancer une grande contre-offensive. Ils tentent donc de convaincre Hitler que les troupes allemandes doivent abandonner certaines positions. Le 12 juin, le général Rommel écrit au Führer : « Le groupe d’armées ne peut faire mieux que de former un front continu entre l’Orne et la Vire… Le groupe d’armées essaie de remplacer les formations blindées par de l’infanterie pour reconstituer les réserves mobiles…. Le groupe d’armées se déplacera dans les prochains jours dans le secteur de Carentan et de Montebourg pour contrer le danger pesant sur Cherbourg... ».
Au soir du 12 juin (jour J + 6), 16 divisions, soit 326 547 hommes accompagnés de 54 186 véhicules et 104 428 tonnes de matériel, ont débarqué en Normandie (9 divisions américaines, 7 divisions britanniques et canadiennes).
Dans la nuit du 12 au 13 juin, les premiers V-1 sont lancés sur Londres. Le nombre de lancements culmine à 244 dans la seule nuit du 16 juin.
Entre le jour J et le jour J + 7 (du 6 au 13 juin), les forces aériennes tactiques effectuent près de 35 000 sorties.
- Les ports artificiels en Normandie
Pour approvisionner les armées alliées en munitions, carburant, nourriture et matériel, les Alliés ne peuvent pas compter uniquement sur les navires de guerre déchargeant leurs provisions directement sur la plage, d’autant plus que les grands navires ne peuvent pas (encore) risquer de s’échouer pour décharger leurs cargaisons.
Pour combler cette lacune, les Alliés ont assemblé des pièces pré-construites, les remorquant depuis l’Angleterre jusqu’en Normandie pour former deux ports artificiels, l’un au profit des Britanniques devant la ville d’Arromanches-les-Bains et l’autre pour les Américains face à Saint-Laurent-sur-Mer. Les ports ont reçu les noms de code Mulberry I et Mulbery II.
Mise en place d’une digue flottante pour le port artificiel d’Arromanches. Photo : IWM
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