Elargissement de la tête de pont (1/3)
Jour-J + 1 à Jour-J + 12 – Du 7 au 18 juin 1944
La bataille suprême est engagée
Au soir du 6 juin 1944, beaucoup des objectifs initialement prévus sont encore à atteindre. La tête de pont alliée est solidement ancrée dans la Normandie, mais elle n’est pas encore à l’abri d’une contre-attaque allemande de vaste envergure appuyée par les divisions de chars. La vaste armada continue de débarquer sur les plages à peine sécurisées les renforts divers et les précieux canons antichars.
Soldats américains blessés au combat et évacués par bateau en Angleterre. Photo : US National Archives
La prise de Caen, prévue dans la soirée du 6 juin, est ajournée, car les chars britanniques, prenant trop d’avance, perdent le soutien de l’infanterie et, craignant une contre-attaque blindée ennemie alors qu’ils ne sont plus qu’à une poignée de kilomètres de la capitale du Calvados, ils sont obligés de se replier. Voir à ce sujet le débat sur la prise de Caen le Jour J.
Si les résultats de la première journée de combat sont positifs, cela ne veut pas dire que les Allemands quittent le front et abandonnent la Normandie aux Alliés : ils se battent et opposent une résistance farouche aux forces débarquées pendant toute la bataille de Normandie.
Patrouille de soldats américains dans Sainte-Mère-Eglise. Photo : US National Archives
La situation, le 6 juin 1944 à minuit est la suivante : 156 115 soldats alliés ont débarqué sur les cinq plages (Utah, Omaha, Gold, Juno et Sword) et ont été parachutés ou aérotransportés avec près de 73 000 unités américaines et 83 115 unités anglo-canadiennes.
Atterrissage des planeurs britanniques au nord-est de Caen (6e Airborne Division). Photo : IWM
Les Alliés déplorent la perte de 10 000 hommes dont 2 500 tués, des chiffres très éloignés des prévisions les plus optimistes. Winston Churchill, le Premier Ministre britannique, avait avancé avant le débarquement le chiffre de 20 000 tués.
Prisonniers allemands enterrant les tués américains près de Colleville-sur-Mer après les combats. Photo : US National Archives
Du côté allemand, les premiers rapports indiquent 4 000 tués, mais ces compte-rendus varient du simple au double dans les premières heures de l’attaque.
Un Sergeant, un Corporal et deux autres paras britanniques de la 6th Airborne Division prisonniers des Allemands. Photo : IWM
Le Mur de l’Atlantique est percé et n’a été véritablement efficace que sur les secteurs de plage d’Omaha et de Juno. Toutefois il n’inquiète plus les Alliés désormais, qui se concentrent sur les mouvements des régiments de chars ennemis. Car les Tigre et les Panther allemands sont les hantises des divisions alliées. Pour combattre ces unités, les Américains et les Anglo-Canadiens encombrent le ciel normand d’avions de chasse qui patrouillent sans cesse. Sur 10 000 sorties d’avions alliés le 6 juin, seuls 319 appareils allemands ont décollé, n’abattant aucun avion allié.
Patrouille de soldats américains dans Sainte-Mère-Eglise à la recherche de tireurs isolés. Photo : US National Archives
La centaine de Rangers survivants de l’attaque de la pointe du Hoc le matin du 6 juin sont toujours isolés, ne contrôlant qu’une mince parcelle de terrain. Ils attendent le renfort du 116th Infantry Regiment de la 1st Infantry Division américaine qui n’arrive que le 8 juin. Pendant ces trois jours, les Rangers ont continuellement repoussé les attaques allemandes : sur les 261 combattants engagés sur la Pointe, seuls 90 d’entre eux, dont beaucoup sont blessés, sont encore en vie.
La pointe du Hoc est contrôlée par le 2e bataillon de Rangers mais attend les renforts en provenance de Vierville-sur-Mer. Photo : US National Archives
La réaction allemande
La marine de guerre allemande, la Kriegsmarine, avait dès le mois de mai tenté de regrouper un maximum de sous-marins, dont six équipés de Schnorkel, dans la baie de Biscaye, pour prévenir tout débarquement. Mais dans les six premiers jours après l’invasion, 12 des 36 sous-marins non équipés de Schnorkel sont mis hors de combat et les 24 restants se replient vers le port le plus proche. Quant aux six équipés de Schnorkel, ils n’ont pas même atteint la zone de débarquement. L’aviation allemande a alors largué en mer à partir de la nuit du 9 au 10 juin dans la Baie de Seine des mines à pression.
Rommel avait demandé qu’il en fut lâché à l’avance mais l’amiral Dönitz, commandant la Kriegsmarine, avait refusé pour ne pas risquer de lever le secret de leur fonctionnement, ce qui est fait immédiatement après leur mise en place par les marins alliés. Ils découvrent en effet quelques exemplaires échoués et estiment qu’en réduisant la vitesse des navires, il est possible d’échapper à l’explosion.
Le général Rommel, commandant le groupe d’armées B, fait part de son inquiétude : c’est un des seuls généraux allemands réalisant que la bataille est déjà perdue car les Alliés sont relativement solidement installés en Normandie, et les chars n’ont pas été engagés assez rapidement en contre-attaque. Mais le bocage normand est favorable à la défense, étant composé de haies infranchissables qui rendent les attaques particulièrement vulnérables.
Deux caporaux-chefs allemands soignent un parachutiste allemand près de Ranville. Photo : Bundesarchiv
Les officiers généraux de l’état-major allemand, réunis au poste de commandement de Rommel à la Roche-Guyon, sont persuadés que ce débarquement en Normandie n’est qu’une vaste opération de diversion, qui cache un débarquement de plus grande envergure dans le Pas-de-Calais. Ils sont trompés par les faux renseignements envoyés par les services américains et britanniques dans le cadre de l’opération Fortitude qui vise à maintenir la XVe armée allemande, soit 150 000 hommes, dans le Pas-de-Calais.
Toutefois les Allemands font appel à des réserves situées à proximité de la Normandie dans les premiers jours suivants le débarquement, comme des divisions stationnées en Bretagne.
Pour les envoyer en Normandie, le train reste le moyen le plus rapide pour transporter les unités, mais c’est sans compter les actions de sabotage de la Résistance française qui détruit des ponts, fait sauter des voies ferrées et renseigne les forces alliées qui bombardent les trains et les convois allemands afin de ralentir leur progression vers le front en Normandie.
Rommel choisit de contre-attaquer en direction de Bayeux avec les chars pour scinder les forces alliées en deux, isolant ainsi les Anglo-Canadiens des Américains.
Un blindé de la 21. Panzerdivision devant les débris d’un planeur britannique Horsa. Photo : Bundesarchiv
La 21. Panzerdivision, une des seules divisions à avoir attaqué dès le 6 juin et qui a installé un dispositif défensif sommaire sur la crête nord de Caen à Périers-Colleville, est réorganisée le 7 juin par le général Feuchtinger qui contre-attaque avec le renfort de Kurt « Panzer » Meyer et ses blindés, appartenant à la 12. S.S. Panzerdivision, en alerte dans la nuit du 6 au 7 juin mais alors en panne de carburant.
Si Kurt Meyer défait une attaque de la 9e brigade de chars canadiens alors en route vers Carpiquet et son aéroport, il doit battre en retraite dans la nuit du 7 au 8 juin 1944, ayant perdu une partie de ses blindés, tout comme Feuchtinger, suite à des attaques incessantes d’avions de chasse alliés. Meyer se déplace à moto et dirige ainsi les mouvements de ses chars.
Le siège de Caen débute
Les Anglo-Canadiens attaquent le 7 juin dans le but de s’emparer de Caen, conformément aux plans de l’opération Perch, mais les défenses allemandes tiennent bon. La 3e division canadienne progresse quant à elle vers le sud et s’empare de la ville de Bayeux, sur la route reliant Caen à Isigny-sur-Mer et Carentan, alors qu’au nord les troupes canadiennes de Juno et les soldats britanniques de Sword font leur jonction. La tête de pont alliée est à présent longue de 30 kilomètres sur 10 à 15 kilomètres de profondeur.
Les Canadiens ne trouvent en face d’eux que les faibles restes de la 711. Infanterie-Division et du bataillon de reconnaissance de la 12. S.S. Panzerdivision, qui arrivent en tête du 2. S.S. Panzerkorps de Sepp Dietrich. La supériorité aérienne alliée est telle que les trois Panzerdivisions commandées par le général Geyr von Schweppenburg qui tentaient une contre-attaque massive jusqu’à la mer sont repoussées. Von Schweppenburg est blessé (il est remplacé par Sepp Dietrich) et le quartier général du Panzergruppe ouest, installé sans camouflage dans un verger, est détruit par un violent bombardement allié le 9 juin.
Mais au sud, au village de Tilly, la Panzer Lehr attend les forces alliés. Et ce sont les célèbres « Rats du désert » de la 7th Armoured Division appartenant au 8e corps britannique qui se lancent à l’assaut le 10 juin : le 6e bataillon du Green Howards est chargé de percer la ligne de front allemande, avec neuf chars. Lors de la progression, ils ne voient pas les soldats de la 12. S.S. Panzerdivision qui les laissent passer et les attaquent à revers : seuls deux chars britanniques parviennent à s’échapper. Le Green Howards perd 24 officiers et près de 250 soldats dans la bataille.
Page 1 – 2 – 3 / Page suivante
Retour au menu Bataille de Normandie