Villers-Bocage (Calvados)
Les villes de Normandie pendant les combats de 1944
Libération : 4 août 1944
Unités engagées :
1st Battalion Rifle Brigade, 22nd Armoured Brigade, 7th Armoured Division
4th County of London Yeomanry, 22nd Armoured Brigade, 7th Armoured Division
5th Royal Tank Regiment, 22nd Armoured Brigade, 7th Armoured Division
1/7th Battalion, Queen’s Royal Regiment, 131st (Queens) Brigade, 7th Armoured Division
1st Battalion Dorsetshire Regiment, 231st Infantry Brigade, 50th Infantry Division
5th Royal Horse Artillery
Schwere SS-Panzer-Abteilung 101
Panzer-Lehr-Regiment 130, Panzer-Lehr-Division
Historique :
Dès le 12 juin 1944, la 2e armée britannique cherche à exploiter la percée du front par les Américains dans le secteur de Caumont-l’Eventé où la 352. Infanterie-Division, en action depuis le Jour-J, ne peut plus tenir. Pour les Britanniques, qui cherchent à trouver une solution pour atteindre les objectifs de l’opération Perch, c’est une occasion parfaite pour contourner Caen par l’ouest afin de s’en emparer tout en prenant au piège la Panzer-Lehr-Division. L’étude du terrain permet de constater que pour accélérer la progression, un débordement dans le secteur de Villers-Bocage est préférable du fait de la nature accidentée des différents compartiments de terrain plus à l’ouest. Par ailleurs, des points hauts dans les environs de Villers-Bocage (et en particulier la cote 213 au nord-ouest) permettent d’assurer une bonne observation de la région, ce qui profite pour l’instant aux Allemands. Ces derniers, conscients de la faiblesse de leur ligne dans ce secteur d’opérations, cherchent immédiatement à renforcer leurs positions : dans la nuit du 12 au 13 juin, deux escadrons de chars lourds du schwere SS-Panzer-Abteilung 101 par armés de Tigre I type E s’installent à hauteur de Villers-Bocage et sécurisent la route nationale 175 (RN 175). Ils sont commandés par l’Hauptsturmführer Karl Möbius (1. Kompanie) et l’Obersturmführer Michael Wittmann (2. Kompanie).
Le 13 juin 1944 à 7 heures, l’escadron A du 4th County of London Yeomanry (appartenant au 22nd Armoured Brigade de la 7th Armoured Division britannique) atteint Villers-Bocage sans encombre depuis l’ouest. Un semi-chenillé SdKfz 251 allemand est décelé à proximité du village mais il ne peut être engagé. Une fois dans le village, les blindés anglais sont suivis par la compagnie A de la 1st Battalion Rifle Brigade (22nd Armoured Brigade) et deux soldats à bord d’un véhicule Kübelwagen sont repérés alors qu’ils se replient à vive allure, tandis que plusieurs engins de reconnaissance non-identifiés sont engagés lors de la progression de la 22nd Armoured Brigade. Les Anglais se préparent ensuite à faire mouvement vers la RN 175 pour poursuivre en direction de Caen.
Pendant ce temps, le 2e escadron commandé par Wittmann qui a camouflé ses chars dans la végétation au sud de la colline 213, observe le régiment et ses 60 chars (en plus d’une soixantaine de véhicules blindés) manœuvrer dans Villers-Bocage. Ne s’attendant pas à être au contact de l’adversaire aussi rapidement, il est dans l’obligation de réfléchir dans les plus brefs délais à sa manœuvre. A 8 heures, les premiers éléments de l’escadron A du 4th County of London Yeomanry atteignent les abords du point coté 213 sans reconnaissance préalable. Une Kübelwagen est décelée et détruite sur la route tandis que les chars se placent en défilement de tourelle pour assurer l’observation du secteur. Les Anglais veulent sécuriser les abords de la cote 213 afin d’appuyer le franchissement de la 22nd Armoured Brigade. Des fantassins se postent de part et d’autre de la route mais la végétation les empêche de voir au-delà de 250 mètres.
A 9 heures, le Sergeant O’Connor appartenant à la 1ère section de la compagnie A de la 1st Rifle Brigade progresse sur la route à hauteur de la cote 213 à bord de son half-track lorsqu’il décèle le char Tigre de Wittmann. Il hurle à la radio : « Bon Dieu, il faut dégager de là ! Il y a un char Tigre qui progresse à une cinquantaine de mètres de nous !« . L’effet de surprise fonctionne parfaitement : Wittmann profite de ce moment de flottement durant lequel le régiment réorganise son dispositif pour attaquer à très courte distance avec ses six blindés. Son Tigre progresse derrière l’escadron A du 4th County of London Yeomanry et il engage un char Cromwell qui est aussitôt détruit. Un char Firefly est mis hors de combat et prend feu au milieu de la route, tandis que trois blindés anglais supplémentaires sont détruits dans les minutes qui suivent. Les Allemands encerclent l’escadron de chars anglais qui est progressivement mis hors de combat. Wittmann progresse ensuite sur la route, accompagné par trois autres Tigre (commandés par Hantusch, Sowa et Stief) et ils remontent la colonne de véhicules adverses entre la cote 213 et l’entrée du village, semant terreur et destruction. Les Anglais débutent un repli dans le désordre à travers Villers-Bocage en direction de l’ouest, tandis que plusieurs fantassins de la compagnie A de la 1st Battalion Rifle Brigade tentent d’utiliser des lance-roquettes PIAT et de mettre en batterie un canon antichar 6 Pounder : lorsque les Tigre s’approchent vers eux, les Anglais abandonnent leur position et se replient. Son char subissant une surchauffe du moteur, Wittmann décide d’embarquer dans le Tigre commandé par Sowa (immatriculé 222) et prend la direction du centre de Villers-Bocage.
En remontant la colonne du 4th County of London Yeomanry, les Allemands s’attaquent ensuite aux éléments de l’état-major du régiment qui manœuvrent tant bien que mal pour échapper aux monstres d’acier qui fondent sur eux. Un Sherman et un Cromwell utilisés par les artilleurs du 5th Royal Horse Artillery et transformés en postes d’observation, sont détruits par des tirs directs du char de Wittmann qui s’est engagé seul dans la rue George Clemenceau de Villers-Bocage. Wittmann atteint la place Jeanne d’Arc et entame aussitôt un duel avec un char Sherman Firefly : un obus du Tigre touche une maison à proximité d’un char Cromwell et les ruines le recouvrent partiellement ; dans l’explosion, un tireur isolé allemand qui s’était dissimulé dans le bâtiment trouve la mort. Wittmann reçoit un coup direct du Firefly qui endommage temporairement son système de visée mais le Tigre parvient à détruire le blindé anglais. Le Captain Pat Dyas, Adjutant du 4th County of London Yeomanry, doit abandonner son Cromwell qui est détruit mais il est tué par un soldat allemand posté dans une maison bordant la rue principale. Wittmann prend la décision de se replier et traverse la rue Clemenceau en direction de la cote 213. Peu après 9 heures 30, le sergent Bray engage le Tigre avec son canon antichar 6 Pounder à l’est de Villers-Bocage, à hauteur de la jonction entre la route de Caen et la route départementale 6 (orientée vers le nord en direction de Villy-Bocage), et parvient à le stopper. Michael Wittmann décide d’abandonner son char et de poursuivre à pied en direction du château d’Orbois, six kilomètres plus au nord, où se situe l’état-major de la Panzer-Lehr-Division.
Durant cet engagement d’à peine 15 minutes, les Anglais ont perdu 14 chars, une quinzaine de véhicules de transport ainsi que deux canons antichars.
Plus tard dans la matinée, le Major Werncke de la Panzer-Lehr-Division effectue une reconnaissance du secteur de Villers-Bocage et découvre une colonne de chars Cromwell sans équipages. Ces derniers sont rassemblés en tête du dispositif, recevant des instructions de la part du chef du peloton. Werncke parvient à embarquer dans l’un des blindés, le conduit et quitte la position avant même que les Anglais ne puissent réagir, se dirigeant ensuite vers le château d’Orbois. Dans Villers-Bocage, la 22nd Armored Brigade se réorganise et prépare sa ligne de défense en attendant des renforts. Peu après 10 heures, le 4e escadron du schwere SS-Panzer-Abteilung 101 commandé par l’Hauptsturmführer Rabe atteint le secteur et engage aussitôt le combat aux environs du village, attaquant des unités anglaises isolées sur la cote 213. Le 1/7th Battalion, Queen’s Royal Regiment de la 131st (Queens) Brigade (7th Armoured Division) entre dans Villers-Bocage et vient renforcer le dispositif défensif anglais, faisant plusieurs prisonniers allemands de la 2. Panzer-Division. Ils livrent un difficile combat de maison à maison pour repousser les Allemands en dehors du village. Les chars sont dissimulés entre les bâtiments, en mesure de déboucher dans les rues pour prendre à partie d’éventuels blindés adverses. Malgré ce renforcement, la situation pour le 4th County of London Yeomanry commandé par le lieutenant-colonel Arthur, Viscount Cranleigh, est plus que précaire ; à 10 heures 30, il rend compte que ses unités encerclées et isolées sur la colline 213 ne peuvent se replier. Les Allemands bombardent le mouvement de terrain et les soldats Anglais qui s’y trouvent décident de se rendre quelques instants plus tard : 30 soldats sont faits prisonniers.
Le Generalleutnant Fritz Bayerlein, commandant la Panzer-Lehr-Division, se déplace jusqu’à Villy-Bocage où il donne l’ordre à l’Hauptmann Helmut Ritgen du 2e bataillon du Panzer-Lehr-Regiment 130 de s’emparer de Villers-Bocage avec 15 Panzer IV. Il est renforcé par le 1er escadron du schwere SS-Panzer-Abteilung 101 qui est commandé par l’Hauptsturmführer Karl Möbius. A 13 heures, les Anglais décèlent ces blindés à leur approche du village et ouvrent le feu avec leurs canons antichar ; ils parviennent à détruire un char au nord et deux autres au sud. Wittmann parvient à rejoindre ses chars à hauteur de la cote 213 au même moment et réorganise son escadron avant de retourner au combat. Villers-Bocage est entièrement encerclé par les Allemands. Ces derniers s’engagent à 13 heures 45 dans le village depuis l’est et lorsqu’ils atteignent la place Jeanne d’Arc, les Tigre de tête tombent dans une embuscade et sont engagés à courte portée notamment par un Sherman Firefly commandé par le Sergeant Bramall et un canon antichar qui détruit le premier blindé. Les trois Tigre suivants se séparent pour attaquer les positions anglaises à revers, mais l’un d’eux est détruit par un canon antichar, les deux autres sont immobilisés par l’infanterie utilisant les PIAT. Bramall décèle un cinquième blindé, se tenant immobile face à la place Jeanne d’Arc ; il décide de l’engager avec son Firefly en tirant à travers la fenêtre d’une maison. Le canon du Tigre est touché et celui-ci se replie aussitôt. Mais le char Cromwell du Corporal Horne lui barre la route : il engage le char allemand et le détruit par un obus placé à l’arrière de la caisse du blindé. Pendant ce temps, les Anglais mettent le feu aux épaves de chars allemands, craignant que l’adversaire parvienne à réparer ses blindés en cas de prise du village.
Les fantassins de la 2. Panzer-Division lancent une violente attaque depuis le sud qui est accompagnée de tirs de mortiers sur le village. La compagnie A du 1/7th Battalion, Queen’s Royal Regiment est durement touchée et une de ses sections est capturée par l’adversaire. Les chars de l’escadron B du 4th County of London Yeomanry interviennent pour les empêcher de s’emparer de Villers-Bocage, infligeant de lourdes pertes aux Allemands. Toutefois, ces derniers parviennent à fixer l’état-major du 1/7th Battalion, Queen’s Royal Regiment et les Anglais prennent la décision d’évacuer le village. L’infanterie quitte les lieux dans un premier temps, appuyée par les chars et par des obus fumigènes tirés par le 5th Royal Horse Artillery. L’artillerie américaine du V Corps apporte également son soutien au repli britannique qui s’effectue jusqu’au village de Tracey-Bocage, deux kilomètres à l’ouest de Villers-Bocage. Les Anglais livrent bataille dans ce village jusqu’à 22 heures 30 puis les offensives allemandes cessent progressivement.
Durant cette première journée de combat pour la libération de Villers-Bocage, la 22nd Armored Brigade enregistre la perte de 217 hommes (tués, blessés, portés disparus ou faits prisonniers), 27 chars (20 Cromwell, 4 Firefly, 3 Stuart) et 30 véhicules de transport blindés (14 half-tracks, 14 Carrier et 2 Sherman d’observation). Le chef de corps du 4th County of London Yeomanry, William Arthur Bampfylde Onslow (également connu comme Viscount Cranleigh), est fait prisonnier par l’adversaire. Côté allemand, le 1er escadron du Schwere SS-Panzer-Abteilung 101 perd 9 tués et 10 blessés tandis que le 2e escadron de Wittmann compte un mort et 3 blessés ; 6 Tigre et 2 Panzer IV sont détruits. 9 civils français trouvent également la mort dans le village (3 durant les combats et 6 pendant les bombardements).
Le 14 juin 1944, la 22nd Armoured Brigade s’est repliée à trois kilomètres à l’ouest de Villers-Bocage où elle établit un périmètre de sécurité. Depuis cette position (appelée depuis « Brigade Box« ), les Anglais ont des vues sur la région de Villers-Bocage et peuvent ainsi contrôler les mouvements dans le secteur sans toutefois tenir ce village. Du 14 au 15 juin, 337 bombardiers de la Royal Air Force (223 Lancaster, 100 Halifax et 14 Mosquito) bombardent la région : un Tigre du schwere SS-Panzer-Abteilung 101 est détruit tandis que trois autres sont endommagés. Le 30 juin 1944 à 20 heures 30, un nouveau bombardement a lieu sur Villers-Bocage en appui de l’opération Epsom. La Royal Air Force largue 1 100 tonnes de bombes depuis 266 bombardiers (151 Lancaster, 105 Halifax et 10 Mosquito).
Un mois plus tard, le 30 juillet, les Britanniques lancent l’opération Bluecoat qui a pour but de fixer les forces allemandes dans le secteur de Caen pendant que les Américains percent le front au sud du Cotentin. Le 4 août 1944, quasiment au terme de l’opération, les Anglais du 1st Battalion Dorsetshire Regiment (231st Infantry Brigade, 50th Infantry Division) libèrent la commune de Villers-Bocage qui est réduite à l’état de cendres.
Photos de Villers-Bocage en 1944
Cartes de Villers-Bocage :
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